Le 05 décembre 2014

Richesses des ménages et empreinte écologique

La Belgique dans le peloton de tête mondial

Récemment, la Belgique s’est illustrée dans deux « tops cinq » dont la presse a fait écho à quelques jours d’écart. Dans ce document de réflexion, nous voudrions revenir sur ces « résultats » et prendre un peu de recul pour les mettre en perspective.

La richesse des ménages

Le 23 septembre 2014, nous apprenions dans les quotidiens du pays que la Belgique serait le troisième pays le plus riche au monde[1]. Entendez : troisième pays le plus riche en termes de patrimoine net par habitant (c’est-à-dire les actifs financiers et immobiliers des particuliers dont on soustrait les dettes). Cette donnée, qui sonne un peu comme une réussite, est évidemment à prendre avec des pincettes. Le rapport[2] qui publie ces résultats est émis par l’assureur Allianz[3] et ne positionne pas les Belges à la même place qu’une autre étude, publiée par le groupe bancaire Crédit Suisse quelques semaines plus tard, selon laquelle les Belges seraient en septième position[4]. La différence dépend des données disponibles par pays et de la manière dont l’étude a tenu compte du manque de certaines données ou de données incomplètes[5]. Nous n’allons pas ici tenter d’affirmer ou d’infirmer la validité des conclusions avancées par ces études. Peu importe finalement l’exactitude du positionnement de la Belgique dans un classement international. Ce qui est important, c’est la réalité qui est derrière les chiffres : les ménages belges sont en moyenne très riches. Ce que ne disent évidemment pas les moyennes, c’est la manière dont ces richesses sont réparties au sein de la population : une étude de la Banque Nationale de Belgique (BNB) analyse la répartition du patrimoine et des revenus en Belgique et met en lumière que « […] sur l’ensemble des ménages belges, les 20% les plus nantis possèdent 61,2% du patrimoine total. De ces mêmes ménages, les 20% qui touchent les revenus les plus élevés perçoivent 52% de l’ensemble des revenus du pays »[6]. Et le rapport de continuer : « A l’autre bout de la répartition, les 20% les plus pauvres ne détiennent que 0,2% du patrimoine total des ménages belges et les 20% aux revenus les plus bas totalisent quant à eux 3,5% du revenu global des ménages belges ». C’est dire que beaucoup de personnes ne se reconnaitront pas dans la moyenne des ménages belges… On pourra leur dire que la répartition est plus inégale ailleurs en Europe (notamment en Allemagne et en France), ça ne fera pas leur affaire… Ceci étant, le rapport de la BNB l’affirme : « […] le patrimoine élevé des ménages belges se confirme à l’échelon international »[7].

L’empreinte écologique

Quelques jours plus tard, le 30 septembre 2014[8], un autre « score » de notre plat pays nous était communiqué : la Belgique a la cinquième empreinte écologique la plus lourde au niveau mondial. Par rapport à 2012, elle a gagné une place et est ainsi passée devant les Etats-Unis. D’après le rapport Planète vivante[9] publiée par le WWF, seuls le Koweït, le Qatar, les Emirats arabes unis et le Danemark nous devancent…

Qu’est-ce que l’empreinte écologique ?

L’empreinte écologique est un indicateur qui permet de mesurer la pression que l’être humain exerce sur la nature. Exprimé en surface terrestre (hectares), cet outil estime la superficie terrestre dont une entité donnée (individu, ménage, région, pays, etc.) a besoin pour répondre à ses besoins (consommation de biens et services mais aussi déchets).

Pour calculer son empreinte écologique :

www.footprint-wwf.be/footprintpage.aspx?projectId=100&languageId=1

Certes, on pourra tergiverser et trouver toutes sortes d’excuses pour relativiser : si nous avons pris la place des Etats-Unis dans ce palmarès (qui eux ont reculé de quatre places), c’est essentiellement pour deux raisons : 1) la crise économique qui a frappé de plein fouet les Américains (ayant moins de moyens, ils ont moins consommé) et 2) l’exploitation des gaz de schiste (à la place du charbon), dont l’utilisation produit moins de CO2 (mais qui, en réalité, pose bien d’autres problèmes[10]). Toujours est-il qu’en dehors de toute comparaison internationale, notre empreinte écologique a augmenté, passant de 7,11 ha en 2012 à 7,47 ha par habitant en 2014. Et si comparaison il doit y avoir, prenons la moyenne mondiale, qui est de 2,3 ha (1,5 fois trop élevée par rapport aux capacités écologiques de la terre !).

Ainsi donc, nous ponctionnons le capital nature plus que ce que la terre peut supporter. Le rapport Planète Vivante nous montre que « notre pays dépend largement de la biocapacité d’autres pays pour supporter le mode de vie de ses habitants. En d’autres termes, nous hypothéquons le capital nature d’autres pays pour assurer nos propres besoins »[11].

Alors… bravo la Belgique ?

Si nous voulons prendre un peu de recul par rapport aux titres sortis dans la presse et aux « scores » que nous remportons, nous voulons surtout saisir l’occasion donnée par le timing de ces informations qui marquent les esprits : sorties à une semaine d’écart, il nous a été impossible de ne pas faire le rapprochement entre les deux. Nous voudrions cependant aller plus loin que la simple mise en parallèle suivante : [pays riche ≈ empreinte écologique élevée]. Ca, nous le savions déjà. Les « scores » de la Belgique sont comme une piqure de rappel. Une opportunité à saisir pour se laisser interpeller : on ne peut plus faire comme si de rien n’était, comme si on ne savait pas.

L’occasion nous est surtout donnée ici de revenir sur le sens : posséder des richesses donne des responsabilités. Celle d’être solidaire et de rechercher la justice sociale ; celle aussi d’agir pour que le monde soit viable pour tous aujourd’hui et demain, et pour les générations futures. On ne dira donc pas encore « bravo les Belges ».

Il semble cependant que des corrections soient possibles. D’une part, il serait normal que les ménages les plus nantis contribuent plus, par l’impôt[12], à l’effort que la Belgique doit engager pour diminuer son empreinte écologique et qui nécessite des investissements. D’autre part, le patrimoine élevé des Belges ne pourrait-il pas servir davantage à financer des projets de l’économie réelle qui participent à réduire notre empreinte écologique ? S’ouvre ici une invitation : celle de réfléchir sur le placement de son argent. Que ce soit en prenant des parts dans des coopératives financières ou en investissant dans des entreprises soucieuses de leur impact environnemental, les moyens existent de « voter avec son portefeuille ».

Quelques pistes d’actions concrètes :

  • Le projet « C’est financé près de chez vous » vise à « promouvoir l’investissement direct tant vers les coopératives et ASBL que vers les particuliers ». Sur le site www.cestfinancepresdechezvous.be/fr, vous trouverez des coopératives et des ASBL qui recherchent des financements et qui font une démarche d’appel public à l’épargne. Opter pour un financement direct, cela veut dire que l’on se passe d’un intermédiaire pour investir son argent dans un projet.
  • Le réseau Financité porte un triple objectif : 1) l’accompagnement d’initiatives collectives en matière de finance responsable et solidaire, 2) la recherche et l’analyse ainsi que le conseil en matière de finance solidaire et 3) la sensibilisation et l’interpellation du grand public ainsi que le plaidoyer auprès des institutions. Sur leur site, www.financite.be, vous trouverez un tas d’informations et de ressources utiles.
  • Sur le site « Les 7 péchés capitaux des banques » créé par l’eurodéputé Philippe Lamberts (http://pechesbancaires.eu/), vous trouverez une « évaluation » d’une vingtaine de banques en fonction de divers critères (tels que « finance l’économie réelle », « ne spécule pas », « n’aime pas les paradis fiscaux », etc.), ainsi qu’une liste de ressources « pour aller plus loin ».
  • Terre-en-vue est un mouvement dont l’objectif est de faciliter l’accès à la terre en Belgique. Ses activités sont portées par une ASBL, une coopérative et une fondation. En achetant des parts de la coopérative, on soutient des agriculteurs qui se voient confier des terres agricoles et développent des projets respectueux de l’environnement. Plus d’infos sur www.terre-en-vue.be. Son équivalent en Flandre : www.delandgenoten.be.

Notes :