Le 16 juin 2015

Petit guide pratique d’initiatives locales et alternatives

(Partie 2)

Si les initiatives alternatives en matière de consommation sont nombreuses et pour certaines déjà bien connues (comme les GAC – groupe d’achat en commun), le domaine de l’habitat n’est pas en reste. Quelles sont donc ces initiatives qui tentent de relever les défis environnementaux et sociaux en matière de logements et de nos façons d’habiter un quartier ? La suite de notre petit guide pratique propose un petit tour d’horizon…

Introduction

Dans la première partie[1] de ce petit guide d’alternatives locales et citoyennes, nous avons pu constater qu’il existe une diversité d’alternatives dans le domaine de la consommation (alimentaire et autre). Cette deuxième analyse est l’occasion d’introduire le lecteur aux alternatives qui existent en matière de logement et de nos manières d’habiter un quartier. Avant de les présenter, dressons quelques constats – non exhaustifs – pour bien saisir que les défis, tant sociaux qu’environnementaux, sont effectivement grands en la matière.

Aujourd’hui, surtout en ville, beaucoup constatent l’individualisme. La perte de lien social se vit de façon directe dans nos quartiers. Lors d’une animation réalisée dans le cadre des activités d’éducation permanente du Centre Avec[2], une participante interpellait le groupe : alors qu’un jour elle était malade et alitée, elle a été informée de l’existence d’un service communal qui pouvait se charger de descendre ses poubelles. Habitant une maison divisée en appartements, elle était choquée : fallait-il un service communal pour cela ? N’allait-elle pas pouvoir demander un peu d’aide à ses voisins ? Elle concluait : c’est vraiment l’indice d’une société malade… Certaines initiatives qui fleurissent ici et là essaient de réorganiser les solidarités qui étaient naturelles mais qui aujourd’hui ne vont plus de soi.

Deuxième constat : les bâtiments (logements y compris) sont responsables d’une grosse part de l’utilisation de l’énergie ainsi que d’une bonne partie des émissions de CO2. Le secteur du bâtiment en Europe représente plus de 40% de la consommation d’énergie, et est responsable de 30% des émissions de gaz à effet de serre[3]. Logements énergivores (parce que mal isolés), utilisation non rationnelle de l’énergie, etc. : tout cela participe à notre empreinte écologique. Les initiatives en matière de logement et de façon d’habiter un quartier qui tentent de répondre à ce défi écologique se multiplient également.

Troisième constat : l’accès à un logement décent devient difficile pour de plus en plus de ménages[4]. D’autres initiatives prennent ce défi, social celui-là, à bras le corps.

Petit tour d’horizon…

Le logement et nos manières d’habiter un quartier
 

« Voisins solidaires »
 

« Voisins solidaires » est une initiative née en France en 2011, à la suite de l’élan suscité par la « Fête des voisins », déjà bien connue en Belgique et qui permet de re-tricoter la toile des liens sociaux au niveau d’un immeuble ou d’un quartier. Le principe de « Voisins solidaires », c’est de développer la solidarité de proximité, en suscitant et renforçant les petits services entre voisins. Aujourd’hui, le territoire du voisinage n’est habituellement plus un terrain naturel de la solidarité, mais l’association « Voisins solidaires » mise sur la stratégie des petits pas pour réveiller le potentiel de générosité qui sommeille en chacun-e. Les petits gestes possibles sont nombreux : arroser les plantes, faire des courses si l’un est malade, se prêter des outils, etc. Le principe peut se décliner à l’envi, selon ce que chacun peut offrir à l’autre. L’association ne réinvente pas la roue… Ce sont simplement quelques réflexes d’attention à l’autre qu’il nous faut parfois réapprendre – réflexes qui s’inscrivent dans une relation de réciprocité.

« Développer la solidarité de proximité : c’est la raison d’être de ‘Voisins solidaires’ »
Atanase Périfane, initiateur de l’association

Liens utiles :

Livret, mode d’emploi, boite à idées, boite à outils, kits, etc. de « Voisins solidaires » : www.voisinssolidaires.fr/

A propos de la « Fête des voisins » : www.immeublesenfete.com/

Pour en savoir plus, voir l’analyse de Claire Brandeleer, « Le voisinage, un terrain  pour la solidarité de proximité », analyse du Centre Avec, avril 2012. Disponible sur www.centreavec.be

Les habitats groupés
 

« L’habitat groupé est un lieu de vie où habitent plusieurs entités (familles ou personnes seules), où l’on retrouve des espaces privatifs et des espaces collectifs autogérés »[5]. L’habitat groupé permet un agencement entre parties privatives (chaque partie prenante à son chez-soi) et parties communes autogérées (une salle commune, un jardin ou une buanderie par exemple). Les habitats groupés présentent une grande diversité : objectifs, motivations, taille et nombre de parties prenantes, montages juridiques, architecture et agencement, etc. varient d’un habitat à l’autre. L’aspect collectif d’une telle démarche ouvre des possibilités (allant de la convivialité de certains repas pris en commun au partage d’appareils électroménagers) mais il comporte aussi ses défis que l’on peut facilement imaginer… Pour éviter certains écueils, il vaut mieux se faire accompagner lors de la mise sur pied d’un tel projet (par exemple par l’asbl Habitat et Participation).

Variante :

L’habitat solidaire : le principe est qu’une ou plusieurs parties prenantes du projet sont des personnes en situation de précarité sociale.

« C’est un projet de solidarité active qui favorise l’échange, l’entraide et les rencontres, tout en préservant le bénéfice de la vie privée, l’espace et l’identité de chacun »[6]
Christian La Grange

Liens utiles :

Habitat et participation : www.habitat-participation.be/

Le site des habitats groupés en Région wallonne : www.habitat-groupe.be/

Abbeyfield, habitat groupé pour seniors actifs : www.abbeyfield.be/fr/

Pour un inventaire des habitats groupés existant ou en construction : www.habitat-groupe.be/map.html

A propos de l’habitat solidaire : www.habitat-participation.be/habitat-solidaire.html

Habitat et humanisme : www.habitat-humanisme.be/crbst_13.html

A propos de l’habitat groupé participatif et d’Abbeyfield, voir Xavier Leroy, « De l’habitat groupé participatif, ou comment des ‘vieux’ entrent en ‘kot à projet’ », analyse du Centre Avec, juin 2008. Disponible sur www.centreavec.be. 

Les maisons kangourous
 

Une maison kangourou, c’est habituellement une maison unifamiliale divisée en deux entités : l’une (souvent le rez-de-chaussée) pour une personne seule, vieillissante, et l’autre pour un étudiant, un jeune couple ou une famille. Les avantages sont multiples et les deux parties prenantes du projet en bénéficient : loyer modéré/complément de revenus, échanges de services, report de la possible entrée en maison de repos, convivialité, etc. Pour la personne seule, c’est une solution permettant d’éviter l’isolement et le sentiment d’insécurité qui vont souvent de pair. Des associations existent qui accompagnent la démarche. La médiation de cette tierce partie est garante du bon fonctionnement de la cohabitation et permet d’éviter certaines dérives.

Variante :

Habitat intergénérationnel

« Ça me permet de rester dans ma maison, en étant rassuré par la présence de quelqu’un qui vit à l’étage »
Pierre

Liens utiles :

Quelques exemples d’habitats kangourous : www.habitat-groupe.be/fiches/kangourou.html

Asbl « 1 toit 2 âges » : www.1toit2ages.be

Pour en savoir plus : www.atoimontoit.be/index_htm_files/habitat_kangourou.pdf 

Les quartiers durables
 

Un quartier durable est « un quartier dont les habitants et les usagers veulent réduire l’empreinte écologique et dans la vie duquel ils veulent s’impliquer »[7]. Le label de « quartier durable et citoyen » est donné par Bruxelles Environnement depuis 2008. Concrètement, ça donne quoi ? C’est simple : un groupe de citoyens est porteur du projet et s’organise pour sensibiliser les habitants de leur quartier et initier des projets tels qu’un potager ou un compost de quartier, le verdissement des façades, et mettre sur pied des évènements comme des moments de rencontres et de convivialité, une foire aux savoir-faire, etc. Bref, tout ce qui peut rendre la vie de quartier plus agréable à vivre et plus respectueuse de l’environnement.

Variante :

Opération « quartiers verts » : www.environnement.brussels/thematiques/ville-durable/mon-quartier/operation-quartiers-verts

« On rencontre ses voisins autour de projets concrets qui améliorent notre quotidien »
Hélène

Liens utiles :

A propos des quartiers durables citoyens : www.quartiersdurablescitoyens.be/

Appel à projets, Bruxelles Environnement (voir notamment le Vademecum et ses fiches pratiques) : www.environnement.brussels/thematiques/ville-durable/mon-quartier/lappel-projets-quartiers-durables-citoyens

Les agences immobilières sociales (AIS)
 

On sait ce qu’est une agence immobilière. Que vient donc ajouter l’adjectif « social » ? La spécificité des AIS est de « permettre à des personnes à revenus modestes d’accéder à des logements de qualité à des loyers abordables »[8]. Un propriétaire confie sa maison ou son appartement à une AIS, celle-ci prend en charge la gestion locative et se porte garante qu’il reçoive effectivement son loyer. En échange, le propriétaire accepte de louer son bien en-dessous des prix du marché.

Variante :

L’initiative de l’asbl Convivial, « Devenez propriétaire malin », qui met en contact des propriétaires et des réfugiés.

« Pour moi, l’AIS c’était le partenaire idéal pour mettre mon bien en location : être sûr de recevoir un loyer et en même temps permettre à quelqu’un d’accéder à un logement décent »
Christophe  

Liens utiles :

La fédération des AIS : http://fedais.be/proprietaire/accueil/

A propos des AIS : http://fedais.be/wp-content/themes/fedais2013/pdf/proprio_fr.pdf 

« Devenez propriétaire malin » : http://convivial.be/devenez-proprietaires-malins/

Eco-construction, isolation & co…

« Eco-construction », le mot dit bien ce que le concept recouvre comme réalité : une construction (d’un bâtiment) respectueuse de l’environnement. En éco-construction, le souci de l’écologie est présent tant dans les étapes de la construction (choix de matériaux durables /renouvelables : paille, bois, chaux, chanvre,…) que dans l’utilisation qui sera faite du bâtiment. Il existe des chantiers d’auto-construction, suivant généralement les principes de l’éco-construction, où les aspects de participation et de formation ont une place prépondérante. Eviter un maximum les pertes d’énergie (isolation, utilisation rationnelle de l’énergie, etc.) : c’est le principe général de l’éco-construction – et de l’éco-rénovation. Ce principe, il ne faut pas nécessairement habiter en éco-construction pour l’appliquer. Pour aider à cela, de multiples ressources et acteurs sont disponibles, comme par exemple les « cellules énergie » des CPAS qui proposent des audits énergétiques.

« Un audit énergétique m’a permis d’économiser pas mal d’argent, et en plus, c’est bon pour la planète »
Stéphanie

Liens utiles :

A propos de l’éco-construction à Bruxelles : www.ecobuild-brussels.be/

En Wallonie : http://clusters.wallonie.be/ecoconstruction-fr/

Aide à l’auto-construction et chantiers participatifs en éco-construction : http://jmdelhaye.wix.com/architecte

Des infos et partages d’expériences proposés par le réseau des « Passeurs d’énergie » : www.passeursdenergie.be/index.php

Trucs et astuces pour diminuer les pertes d’énergie : http://energivores.be/HouseClosed.aspx?lang=FR

Une mine d’infos (audit énergétique, prime énergie, efficacité énergétique, etc.) : deuxième partie de Quand la facture énergétique devient difficile à payer… publiée par Pax Christi Wallonie-Bruxelles, éd Couleur livres, 2010.

Conclusion
 

La deuxième partie de ce petit guide le montre : les alternatives en matière de logements et de manière d’habiter un quartier sont nombreuses. Un élément qui ressort de ce petit tour d’horizon, c’est que ces initiatives alternatives ne sont pas toutes exclusivement à destination d’un public privilégié[9]. Alors que l’on pouvait peut-être le craindre au premier abord en parlant d’alternatives en matière de logements, la critique « c’est pour les Bobos » ne tient pas la route ici, et c’est tant mieux !

Il existe encore d’autres initiatives qui sortent des sentiers battus. Elles sont très diverses : éco-villages, squats, etc. L’asbl Habitat et Participation[10], en plus de mener un travail d’advocacy pour le droit au logement, met à disposition du grand public un tas d’informations, et propose son expertise et son accompagnement à divers projets (méthodes participatives, médiation de conflits entre groupe d’habitants, mise sur pied d’un habitat solidaire, aide sur les formes juridiques, etc.). Pour mettre sur pied certaines des initiatives présentées (type habitat groupé, habitat solidaire, habitat kangourou, habitat intergénérationnel), cela s’avèrera utile, pour que l’enthousiasme des débuts ne s’abîme pas dans les premières difficultés rencontrées…

Notes :