Olivier Bailly, Céline Nieuwenhuys et Felipe Van Keirsbilck : Performance et robustesse dans la société belge
La Belgique voue-t-elle un culte à la performance ? Dans quelle mesure et de quelles manières cela se manifeste-t-il dans la société belge ? Comment construire la robustesse ici et maintenant ? Pour en discuter, nous avons réuni Olivier Bailly, journaliste indépendant et co-fondateur du magazine Médor, Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux (FdSS), et Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la Centrale Nationale des Employés (CNE). Bien qu’actifs dans des secteurs d’activité différents et selon des styles propres, elle et ils ont comme point commun d’être animés par une quête de justice sociale et d’être inspirés par les travaux d’Olivier Hamant sur la robustesse du vivant[1].

Selon Olivier Hamant, nos sociétés modernes vouent un culte à la performance, qui serait contre-productif pour faire face aux bouleversements contemporains. Partagez-vous ce diagnostic et comment le percevez-vous concrètement en Belgique ?
Felipe Van Keirsbilck (F.V.K.) : Partons d’un fait : la Belgique compte près de 600.000 malades de longue durée. D’une part, c’est le résultat de la destruction des formules de fin de carrière douce, comme le Plan Tandem[2], la prépension, etc. Résultat : quand le corps craque ou qu’on ne veut plus détruire sa santé, la seule possibilité de sauver sa peau, c’est la maladie de longue durée. D’autre part, le travail (autant que le chômage) rend malade. La recherche frénétique d’efficacité, qui pousse l’entreprise à vouloir extraire toujours plus de profit de chaque travailleur chaque jour[3], mène à la maladie, la déprime, la violence, etc. Travailler très vite, tout le temps, ce n’est pas humain ; sans parler des dégâts pour l’environnement. Ce sont des symptômes du capitalisme, des externalités engendrées par la maximisation du profit immédiat.
Un autre élément qui participe à la dégradation des conditions de travail, c’est le contrôle logiciel. Aujourd’hui, même les métiers du service sont taylorisés, rationnalisés, automatisés. De nombreuses infirmières se sentent mutilées dans leur estime personnelle, dans leur capacité à exercer leurs compétences, parce qu’on leur dit exactement comment elles doivent travailler et qu’elles doivent le faire beaucoup plus vite : chaque geste infirmier doit durer autant de temps, auquel il faut rajouter 25 secondes pour l’encoder sur une tablette.
Céline Nieuwenhuys (C.N.) : On a été biberonné à la performance, et ça a percolé jusque dans les secteurs sociaux et du soin, qui sont pourtant des secteurs robustes par essence, car la relation humaine y est essentielle. Les administrations ont vu débarquer des consultants du secteur privé pour les « dépoussiérer » ou les « professionnaliser », en instaurant des KPI (Key Performance Indicators, indicateurs clés de performance). De plus en plus de métiers du soin sont soumis à des indicateurs de performance. Les burnouts sont en croissance dans le non-marchand, et c’est évidemment en lien avec la recherche de performance.
En outre, la numérisation accélère la déshumanisation et l’appauvrissement relationnel dans les métiers du social. Le principal travail des services sociaux associatifs consiste désormais à aider des personnes à remplir des formulaires en ligne, ce qui ne correspond pas à leur vocation initiale. Les administrations se sont éloignées des gens et le secteur associatif est devenu un échelon intermédiaire pour accéder aux administrations, au CPAS (Centre Public d’Action Sociale), à la banque, aux allocations, aux bourses d’étude, à l’inscription scolaire, etc. Dans certaines communes, il n’est plus possible d’inscrire son enfant à l’école primaire sans passer par un formulaire électronique. Cela appauvrit terriblement les relations entre les travailleurs du soin et les publics.
Le comble, c’est qu’on prétend que cette numérisation va permettre aux gens d’accéder plus facilement à leurs droits depuis chez eux, que c’est plus efficace et plus économe. Mais quand tu vois le coût de ces programmes informatiques et tout l’argent injecté par les services publics vers des boites privées, c’est affolant. Je suis vraiment étonnée qu’on ne questionne pas cette évolution.
À cet égard, une des propositions d’Olivier Hamant que je trouve particulièrement intéressante, consiste à prévoir une deuxième porte d’entrée, la plus artisanale possible, partout, tout le temps. Car à tout moment, on peut faire face à des imprévus, comme cela a été le cas durant la crise covid. Comme il dit, « la seule certitude dans le monde d’aujourd’hui, c’est l’incertitude ».
Par exemple, pour améliorer l’accessibilité des bourses d’études, je plaide pour qu’on remette des formulaires en papier dans les cartables des adolescents en fin de rhéto. Pour toute démarche administrative numérique, il faut prévoir une alternative la plus artisanale possible. Sinon, lors d’un bug informatique ou d’une cyberattaque, tout le monde est coincé, comme au CPAS de Charleroi en août 2023[4].
Dans le secteur de la santé, est-ce forcément négatif de vouloir des hôpitaux ou des maisons de repos et de soins performants ?
F.V.K : Évidemment, personne n’ira plaider pour que des hôpitaux ou des institutions soient anti-performantes. Mais on voit la grande fragilité de l’hyperspécialisation et de la dépendance aux outils informatiques : en cas de problème, tout s’arrête. La bonne question à se poser, c’est : « comment être robuste, pour qu’on puisse performer en cas de crise ? ».
Un autre élément essentiel, c’est la confiance. Je trouve que l’utilisation du numérique et de l’intelligence artificielle repose souvent sur l’idée que, fondamentalement, on ne pourrait pas faire confiance ni aux travailleurs, ni aux usagers, ni aux allocataires sociaux.
J’ai été frappé lors de la présentation du gouvernement wallon, quand Georges-Louis Bouchez (président du parti libéral-conservateur francophone, MR) et Maxime Prévot (président du parti centriste francophone, Les Engagés) ont déclaré qu’ils voulaient mettre en place un projet de confiance, en arrêtant de surveiller les entreprises, et que juste après, ils ont insinué que les médecins et les malades de longue durée étaient des tricheurs, et qu’il fallait davantage les surveiller, voire les poursuivre.
Au contraire, je pense que c’est bien plus robuste de faire confiance aux travailleurs au sujet de leur propre métier que de gaspiller de l’argent et du temps à les surveiller et les contrôler. De même, il faut développer des modèles qui favorisent la diversité des compétences, des voies d’accès et des relations, et qui permettent à tout le monde de travailler, en temps normal, un peu en dessous de son potentiel maximum. Parce que la seule certitude, c’est l’incertitude : l’accident, la maladie d’un collègue, une crise urgente ; quelque chose surviendra, qui demandera de donner un coup de collier.
En opposition au culte de la performance, Olivier Hamant prône un modèle fondé sur la robustesse, c’est-à-dire un système parvenant à maintenir son fonctionnement stable malgré les fluctuations. Voyez-vous des déjà-là robustes dans la société belge et des perspectives qui montreraient un basculement vers une civilisation de la robustesse ?
Olivier Bailly (O.B.) : J’ai l’impression qu’on est dans une société tellement pathogène que le choix d’être robuste implique une forme de modestie, une volonté de changer le monde mais à son échelle. En ce qui concerne mon domaine, le journalisme, on ressent évidemment les défis contemporains posés par le numérique, les réseaux sociaux, les fake news, etc. Toutefois, s’inscrire dans la robustesse demande de s’en extraire et d’être dans une forme de lâcher-prise. On ne va pas combattre toutes les fake news, on va se concentrer sur notre production et notre manière de faire.
Certes, les menaces sont nombreuses, mais elles représentent aussi des opportunités pour le journalisme. Elles nous obligent à nous questionner et contribuent à relégitimer notre métier, un peu comme le secteur des soins pendant la crise covid. Elles nous poussent par exemple à sortir de nos bureaux, pour faire de l’investigation, rencontrer des gens, dresser des portraits originaux… Tout ce pour quoi l’intelligence artificielle ne peut pas nous remplacer. En outre, les algorithmes peuvent aussi être utilisés de manière positive, pour valoriser les informations vérifiées, démystifier des fausses informations, exclure les invectives, le sexisme, etc. C’est possible, si l’État reprend la main sur ces outils pour les mettre au service du bien public.
Un autre élément pouvant contribuer à la robustesse du journalisme, c’est l’émergence en cours d’une myriade de nouveaux titres de presse. Sur les dix dernières années, en Europe, j’en compte plus de 180, qui reposent sur des journalistes professionnels et une vraie déontologie. Cela contribue à la décentralisation du pouvoir médiatique, ce qui est une caractéristique de la robustesse. Il reste bien évidemment des prescripteurs d’information importants, comme Le Monde, Le Soir ou The Guardian, mais autour de ces soleils, il y a une galaxie de micro-titres qui se développent, produisent de l’information de qualité et visitent de multiples thématiques et styles différents. Pour moi, l’avenir du journalisme n’a jamais été aussi, peut-être pas radieux, mais passionnant.
Je peux témoigner de l’expérience de Médor, qui fête en 2025 ses 10 ans d’existence. En rencontrant Olivier Hamant récemment, on s’est rendu compte qu’on avait construit, sans le savoir, des mécanismes de robustesse. Par exemple, au niveau de la redondance, on a doublé les postes à responsabilité éditoriale. Cela veut dire qu’on est toujours deux à faire la même chose : relire les articles, commenter, boucler le magazine… Grâce à cela, la pression est divisée par deux, on stimule l’intelligence, et on bénéficie d’un filet de sécurité – lorsqu’un des deux doit s’absenter en raison d’une maladie, d’un deuil, etc. Si on extrapolait cette mesure à d’autres secteurs de la société, on aurait alors des assistants sociaux, des infirmiers et des enseignants qui travaillent en binôme. On y gagnerait beaucoup en termes de robustesse. Mais évidemment, ce propos est inacceptable d’un point de vue économique.
C.N. : Je ne suis pas sûre que ce soit un mauvais calcul économique, si on considère la situation d’absentéisme et de pénurie dans les services sociaux aujourd’hui. Dans les CPAS, on n’arrive plus à engager. L’économiste Thomas Coutrot en donne une raison élémentaire : quand tu fais des études pour prendre soin des gens et que tu te retrouves, par exemple comme infirmière en hôpital ou en maison de repos, à devoir bâcler la toilette d’un patient, le sens de ton travail est perdu, parce que ce n’est plus du soin. Dès lors, améliorer les conditions de travail pourrait être bénéfique aussi d’un point de vue économique.
Aux Pays-Bas, Buurtzorg (en français : « soins de proximité ») en est un exemple emblématique. Au départ, il y avait une entreprise de soins infirmiers à domicile dont la direction voulait maximiser la performance, en standardisant les temps des trajets et les gestes médicaux, en scannant un QR code à l’entrée et à la sortie des visites à domicile, etc. Le résultat, c’est que les travailleuses et travailleurs ont été dégoutés et ont démissionné les uns après les autres. Et puis, un groupe d’infirmiers et d’infirmières a révolutionné la culture de l’entreprise, en mettant la priorité sur les relations de confiance avec les patients, en restant plus de temps chez eux, en les emmenant chez le coiffeur, etc. En conséquence, le nombre d’appels aux généralistes a diminué, parce que ces personnes âgées trouvaient ce dont elles avaient besoin.
Le concept de robustesse d’Olivier Hamant nous aide à résister. Avant, même si on était déjà en désaccord avec le culte de la performance, on n’avait pas d’alternative à proposer. Désormais, on a de nouveaux repères, comme la décentralisation ou l’intérêt de faire des erreurs. Maintenant, je dis à mes équipes : « Cela ne va pas être facile, vous allez vous sentir en insécurité. Mais pour construire un autre monde, il faut tester de nouvelles choses et parfois avoir l’impression d’aller à l’encontre de ce qui est prescrit, par exemple en passant du temps avec les gens ».
F.V.K. : Je comprends cette modestie : comme responsable d’organisation syndicale, je suis déjà satisfait si on arrive à faire la base de notre travail correctement : accueillir nos affiliés, organiser les travailleurs, soutenir les militants… Car les réalités humaines ne correspondent pas au nombre d’équivalents temps plein sur papier – entre la collègue dont la mère est à l’hôpital en soins palliatifs, celle dont l’enfant est malade, celui qui vient de se séparer ou qui a un problème d’addiction, celle qui est en congé de maternité, etc.
Un exemple de déjà-là robuste dans notre organisation syndicale, c’est qu’on a mis en place, depuis quelques années, un « trialogue » : chaque permanent syndical fait le suivi de son travail avec son supérieur hiérarchique et un responsable de son secteur. Cela mobilise davantage de personnes, cela prend plus de temps, mais cela favorise la confiance, l’intelligence mutualisée, de meilleurs choix de priorités, et un gain de temps et d’énergie à plus long terme. De plus, on reconnait l’importance des pauses café, des formations, des marges, etc.
Par contre, pour le service aux affiliés, la tendance autour de nous est de créer des formulaires en ligne, afin de réduire les permanences. Mais une grande majorité des personnes ne parviennent pas à identifier clairement leur problème. Le plus souvent, elles rencontrent des problèmes multiples, que le formulaire ne permet pas de faire ressortir clairement. Il faut pouvoir se parler, idéalement en présence, éventuellement par visioconférence. Comment demander aux gens de réclamer sur un form un droit dont ils ignorent même l’existence ?
Les syndicats, comme d’autres organisations qui font face à d’importants défis financiers, ont aussi ce réflexe de vouloir automatiser leurs services. Mais on se rend compte maintenant que la numérisation coûte extrêmement cher, car il faut investir un gros montant à l’achat, et puis dépenser régulièrement pour l’entretien, la mise à jour, la gestion des problèmes… sans qu’on puisse en questionner la pertinence.
On observe un peu partout une recrudescence des idées discriminatoires, autoritaires, nationalistes, voire fascistes. Dans quelle mesure le régime politique de démocratie représentative libérale qui domine en Occident vous semble-t-il robuste ? Et comment, selon vous, pourrions-nous favoriser la robustesse démocratique de nos sociétés, en particulier en Belgique ?
O.B. : Par rapport au rôle des médias et du journalisme en démocratie, j’observe que les contre-pouvoirs sont délégitimés au bénéfice de ce que j’appelle des anti-pouvoirs, c’est-à-dire des gens qui tiennent un discours populiste sur des formes de domination hégémonique comme l’État profond[5]. Des personnes qui occupent une position dominante dans la société, comme Donald Trump ou Elon Musk, s’approprient les discours contestataires. Cela cause une difficulté majeure pour le journalisme, qui doit assumer sa place de contre-pouvoir, donc investiguer, montrer des dysfonctionnements, dénoncer des pratiques, sans « nourrir la bête », car ces critiques peuvent être exploitées pour alimenter des discours populistes. Alors que, justement, l’investigation est la preuve que la démocratie fonctionne. Il suffit de regarder à quoi ressemblent les sociétés sans journalisme critique ou d’investigation.
Olivier Hamant parle souvent de l’importance d’apporter des questions plutôt que des réponses. À cet égard, le journalisme joue un rôle essentiel : créer et organiser le débat. Pour avoir un bon débat, le cadre est plus important que le contenu. Il faut pouvoir tolérer des visions différentes, avec lesquelles on n’est pas forcément d’accord, mais dans un cadre déontologique, avec une argumentation solide et une approche constructive.
C.N. : Personnellement, je trouve que nous vivons une période difficile pour porter un message d’espoir. Néanmoins, ce qui m’intéresse beaucoup, c’est ce que j’appelle la démocratie bas-seuil, qui consiste à passer du temps sur le terrain pour redonner aux gens du pouvoir d’agir sur leur rue, leur quartier, leur lieu de vie. Tout ce travail n’est pas valorisable en termes de performance. Un exemple phare, c’est le projet des BRICo (« Bureaux de Recherche et d’Investigation sur le Commun » ou « Brigades de Réparation Immédiate et Collective ») : on va dans les quartiers aves des crieurs pour chercher les gens là où ils sont, les réunir dans des locaux, leur offrir à manger et à boire, et leur permettre de s’exprimer en étant réellement écoutés. Ce projet est essentiel pour retisser des solidarités chaudes, mais il est difficile d’en mesurer l’impact direct. Pour légitimer de tels chantiers, le concept de robustesse nous aide beaucoup. Olivier Hamant nous invite à occuper le territoire avec les gens, dans le temps, dans l’écoute, etc.
F.V.K. : À propos de la démocratie, je trouve que les 541 jours sans gouvernement fédéral, en 2010-2011, ont constitué une des meilleures périodes pour la Belgique en matière de développement socio-économique. Elle a démontré une forme de robustesse, une capacité à vivre ensemble malgré les crises. Cela s’explique notamment par la décentralisation, la redondance et les contradictions inhérentes à la « lasagne » institutionnelle belge, mais aussi par la richesse associative et syndicale de notre pays – les syndicats sont des colégislateurs, donc contribuent à la législation, comme les conventions collectives de travail.
À l’opposé de cette logique, il y a un discours, porté notamment par Bart De Wever (Premier ministre et, au moment de cet entretien, président du parti nationaliste flamand N-VA) et Georges-Louis Bouchez, qui vise à concentrer et personnifier le pouvoir. Même les instances des partis, leurs sections locales et leurs militants, sont déconsidérés par cette tendance napoléonienne, qui estime qu’un seul homme, puisqu’il a été élu, peut décider de tout. C’est un appauvrissement dramatique de l’épaisseur démocratique.
La démocratie ne se limite pas à des sondages et des élections, elle doit aussi permettre aux personnes d’avoir un certain contrôle sur la réalité de leur vie. Pour démocratiser la société, il faut démocratiser les quartiers, les entreprises, la culture, le savoir, etc. Or, en Belgique, les politiques menées depuis environ 40 ans ont dé-démocratisé la société. Et cela risque bien de s’accélérer avec le prochain gouvernement (Arizona).
Face à l’ampleur des bouleversements contemporains, quelles sont vos sources d’espérance, qu’est-ce qui vous donne de l’élan ?
O.B. : Je voudrais remercier Olivier Hamant car, à travers sa vision de la robustesse, il a remis du désir pour de nouveaux récits d’avenir, y compris en présentant la contrainte comme une opportunité. En vulgarisant des réalités biologiques et en faisant le lien avec le champ social, il parvient à nous déculpabiliser de nos lenteurs, de nos paresses, de nos fatigues, de nos erreurs, de nos contre-performances. Cela fait du bien !
F.V.K. : Pour moi, une source d’espérance, c’est qu’on vit dans un pays beaucoup trop riche, où personne, par conséquent, ne devrait manquer de rien. La Belgique a dépassé en 2024 le cap de 50.000 euros de richesse produite par an et par habitant (tout âge confondu). Or, les études montrent que le bien-être (qu’il soit ressenti par les gens ou évalué selon des indicateurs de développement humain) croît significativement entre 0 et 15.000 euros, puis faiblement, puis plus du tout. On ne vit pas globalement mieux avec 70.000 qu’avec 30.000 euros par habitant par an. Cela signifie qu’en répartissant plus justement les richesses et en étant plus sobres, en consommant mieux et plus collectivement, en travaillant moins et plus lentement, on pourrait toutes et tous vivre bien, tout en abimant moins la planète.
C.N. : Ce qui me donne beaucoup d’espoir, c’est d’écouter et de faire se rencontrer, dans des lieux chaleureux, des personnes qui alimentent notre désir d’action, comme nous le faisons au sein du collectif Ce qui nous arrive (CQNA), par exemple avec Olivier Hamant ou Fatima Ouassak[6]. Il est bon de voir des personnes d’horizons et de disciplines différents, faire des propositions qui vont dans un sens commun, et de valoriser des initiatives robustes, souvent modestes, cachées dans des quartiers, mais très utiles pour la population… C’est aussi une manière de revaloriser le citoyen comme acteur premier de la démocratie.
Notes :
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[1] Cet entretien a eu lieu le 30 janvier 2025, c’est-à-dire la veille de l’accord de coalition pour la formation d’un gouvernement fédéral, dit gouvernement Arizona ou De Wever.
[2] Le Plan Tandem est une mesure datant de 2004 qui consiste à encourager financièrement la réduction du temps de travail de travailleurs plus anciens pour assurer l’embauche de plus jeunes jusqu’à la prise de retraite. Toutefois, depuis 2011, les politiques fédérales ont réduit les possibilités de mettre en œuvre cette mesure.
[3] Un changement important sur ce plan date du virage néolibéral de 1980 : la recherche de productivité (via l’investissement et la mécanisation) a fait place à la recherche de la compétitivité (via l’intensification et la flexibilisation du travail).
[4] Le dimanche 20 août 2023 soir, le CPAS de Charleroi a été victime d’une cyberattaque majeure, qui a perturbé ses systèmes informatiques et affecté ses services pendant plusieurs semaines.
[5] L’État profond est une idée complotiste selon laquelle il existerait au sein d’un État une hiérarchie parallèle ou une entité informelle détenant secrètement le pouvoir décisionnel sur la société et toutes les décisions politiques d’une démocratie.
[6] Fatima Ouassak, « Penser l’écologie à partir des quartiers populaires », En Question, n°149, été 2024, pp. 38-43.