Le 26 avril 2017

Migrations internationales : comment agir ici ?

Nous ne pouvons nier que les guerres, la pauvreté, les catastrophes écologiques ou encore les inégalités, font fuir des milliers de personnes de leur pays d’origine vers des pays plus sûrs. Et s’il était possible d’agir sur certaines causes migratoires ? Et si des personnes, par des actes posés ici, pouvaient avoir un réel impact sur les réalités qui nous sont géographiquement lointaines ?

En agissant ici sur les causes des migrations là-bas, l’idée est de faire face à nos responsabilités : il existe un lien évident entre le modèle de développement de nos pays occidentaux et les migrations internationales.

Dans cette analyse, nous proposons des actions sous forme parfois de gestes simples et quotidiens, pour agir concrètement sur les migrations forcées par rapport auxquelles chacun doit faire sa part : les gouvernements, les collectifs et les personnes comme vous et moi.

Les conséquences migratoires occultent les causes migratoires

A travers les médias, on entend essentiellement parler des conséquences des migrations. Ces conséquences sont chiffrées humainement : « Le nombre de migrants morts en Méditerranée en 2016 atteint le record de 3.800 »[1]. Elles le sont aussi financièrement : un « bon deal financier », c’est par ces termes que Theo Francken, Secrétaire d’Etat à l’Asile et à l’Immigration, parle des accords[2] signés entre la Turquie et l’Europe.

En évoquant seulement les conséquences migratoires, on peut se sentir démuni. En agissant sur les causes migratoires, on récupère notre pouvoir d’action et on peut donc espérer changer certaines composantes migratoires sur lesquelles, nous le verrons, nous pouvons avoir un impact.

Les causes des migrations internationales

S’il est impossible de recenser de manière exhaustive les multiples facteurs qui poussent un être humain à migrer, on peut toutefois en identifier quatre principales. On peut parler de causes liées à des conflits ou à des facteurs politiques (conflits armés, conflits ethniques, régimes totalitaires, violations des droits de l’homme, persécutions du fait de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un groupe social ou des opinions politiques ; interventions militaires internationales), causes économiques (répartition inégale des richesses et des revenus, croissance économique faible, forte croissance démographique, surpopulation dans les villes, accaparement des terres, recherche d’un travail pour aider sa famille), causes environnementales (les catastrophes naturelles, les changements climatiques comme la désertification, la déforestation, la salinisation, l’érosion des sols ; la dégradation de l’environnement) et causes socio-culturelles (regroupement familial, tradition migratoire familiale, niveau de soin et de santé plus attractif, rêve de partir et de voyager, fuir une situation personnelle ou familiale dangereuse).

On distingue deux types de migration, l’une est volontaire, l’autre est involontaire ou forcée. Dans le cas de la migration involontaire, il existe un rapport de force (environnementale, étatique, économique) qui pousse un être humain à migrer. Toutefois, malgré l’influence que cette force peut avoir sur les migrations, il existe une certaine forme de liberté dans le choix de migrer. Cette dichotomie volontaire/involontaire nous amène à questionner la manière d’aborder les migrations et plus précisément ce qui pousse une personne à migrer. Quiconque trouve un équilibre dans la satisfaction de ses besoins essentiels c’est-à-dire un équilibre au niveau social, un équilibre dans l’usage des ressources naturelles et un équilibre dans le rendement économique ne sera pas forcé de migrer. Dans cet article nous nous pencherons sur les migrations involontaires et par conséquent les causes socio-culturelles citées plus haut ne seront pas traitées.

Les causes des migrations sont interconnectées : quitter son pays, sa culture, sa famille, ses proches, ne se fait pas pour une seule cause. C’est souvent une multiplicité de facteurs qui provoque cette décision ou cette nécessité.

Elles se renforcent mutuellement. Ainsi par exemple la surpopulation au sein d’un pays est souvent étroitement liée à des changements climatiques[3]. Cela explique qu’il est souvent impossible de définir quelle est la cause première qui a poussé une personne à migrer.

Elles sont particulièrement complexes. On ne peut pas réduire les migrations internationales en parlant de « misère du monde », comme si la dimension économique était le seul facteur qui fasse bouger une personne. Pas plus qu’on ne peut réduire les migrations à l’image d’une Europe envahie de migrants. Les migrations du Sud au Nord ne représentent qu’une infime partie des migrations internationales. Celui qui peut choisir de ne pas se déraciner totalement de sa culture choisira souvent de rester dans son pays et ne bougera qu’à quelques centaines de kilomètres de chez lui.

Elles sont interdépendantes. Ce qui se passe ici a des répercussions ailleurs et ce qui se passe ailleurs a des répercussions ici. Notre manière de consommer par exemple (nourriture, logement, déplacement) épuise les ressources naturelles de la terre, ce qui a des conséquences environnementales (réchauffement climatique, fonte des glaces, …) et entraine des catastrophes naturelles (comme la montée des eaux des mers, l’amplification des sécheresses, la plus grande fréquence des ouragans). Ces catastrophes poussent à la migration. Les migrants climatiques arrivent aux portes de l’Europe, ce que par ailleurs dénoncent certains Européens, qui ne sont sans doute pas assez exigeants dans leur manière de consommer, consommation qui provoque des répercussions là-bas, etc.

En partant des quatre types de causes migratoires identifiées nous allons maintenant proposer des pistes d’action pour trois d’entre elles : les causes liées à des conflits ou à des facteurs politiques, les causes environnementales et les causes économiques.

​1. Comment agir sur les causes liées à des conflits ou à des facteurs politiques ?

Les guerres, les conflits ethniques, les régimes totalitaires causent d’importants mouvements de population dans le monde. Les réfugiés politiques qui quittent leur pays parce que leur vie ou leur liberté est en danger, sont toujours de plus en plus nombreux : la guerre en Syrie, le régime totalitaire en Erythrée, la guerre civile en Afghanistan, la guerre sans fin en Irak, un pays éclaté en Libye, le régime autoritaire et corrompu en République Démocratique du Congo, l’occupation israélienne, font des millions de déplacés dans le monde.

Face à ces réalités complexes et géographiquement lointaines, il est difficile d’envisager pouvoir faire quelque chose. Trouver des situations diplomatiques pour sortir des conflits semble être une tâche que seul le Conseil de l’ONU peut pouvoir remplir. Pourtant, en creusant la question, il apparait que des actions peuvent être menées à différents niveaux : les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les personnes comme vous et moi.

En tant que consommateur

Sans le savoir, en tant que consommateur, il nous arrive de financer indirectement des groupes armés. En effet, « dans des pays tels que la Colombie, la République démocratique du Congo et le Myanmar, les populations locales sont souvent victimes de mutilations, de massacres, de viols, d’esclavage et de déplacements massifs, simplement parce qu’elles vivent près d’une mine. Dans ces pays, de nombreuses personnes souffrent de cette spirale de violence liée à l’extraction de ressources naturelles »[4]. On parle notamment de « malédiction des ressources »[5] parce qu’elles sont une malédiction pour les habitants du Sud, une richesse pour les habitants du Nord et que l’argent généré par l’exploitation de ces mines attise les convoitises du pouvoir en place, de milices, d’hommes d’affaires peu scrupuleux ou de politiciens corrompus.

Nous pouvons changer nos modes de consommation en commençant par explorer les différentes manières de consommer qui rendent la guerre matériellement impossible. Parmi d’autres, pensons au commerce équitable en zone de conflit et aux banques et entreprises dotées de chartes éthiques solides. Quelques exemples concrets :

  • En achetant du café équitable du Kivu : « En République Démocratique du Congo (RDC), le conflit entre rebelles et forces gouvernementales a entrainé la destruction de nombreuses plantations de café et la rupture des lignes d’approvisionnement conventionnelles »[6] ;
  • En épargnant et en investissant dans des banques qui financent uniquement des entreprises et des banques qui respectent les droits de l’homme comme la Banque Triodos : beaucoup de grandes banques (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société générale, BPCE, Axa) gèrent en effet des participations financières ou détiennent des actions auprès de banques et entreprises israéliennes qui contribuent au financement des colonies dans les territoires occupés[7] ;
  • En vérifiant que les repères éthiques et codes déontologiques des entreprises les empêchent de travailler dans des zones de conflits : le géant suisse de matériaux de construction LafargeHolcim a admis début mars avoir eu recours en 2013 et 2014 à des arrangements pour maintenir en activité sa cimenterie syrienne qu’elle qualifie à présent de « inacceptables«  [8]. Autre exemple, « Des compagnies bananières ont payé des milices paramilitaires en Colombie dans les années 1990 et 2000. Des joailliers ont alimenté pendant des années le trafic de « diamants du sang » mené par des groupes rebelles au Liberia ou en République Démocratique du Congo »[9]. Idéalement, en cas de guerre, les multinationales décident de se retirer du pays : « Total a quitté la Syrie dès 2011. Air Liquide a récemment suspendu l’activité d’une usine dans l’est de l’Ukraine, où des séparatistes prorusses ont décidé de prendre le contrôle d’entreprises »[10] ;
  • En achetant un téléphone Fairphone, on contribue à ne pas financer des minerais qui proviennent de zones de conflits[11]. En effet, une partie importante des métaux dans nos appareils électroniques comme le tantale, l’étain et le tungstène proviennent de zones de conflit ;
  • En boycottant les produits qui viennent de zones de conflits ou de territoires occupés de manière illégale[12].

En tant qu’acteur citoyen

En tant que citoyen, on est acteur de la société dans laquelle on vit. Par un vote, l’électeur renforce son pouvoir en désignant et en transférant une responsabilité à des politiciens ou à un parti. Mais voter tous les quatre ou cinq ans ne suffit pas. C’est aussi, pendant les années qui séparent deux votes, suivre les décisions prises par les élus afin de déterminer s’ils ont bien été garants du programme annoncé.

Mais, la citoyenneté ne s’arrête pas aux frontières d’un Etat. Nous sommes tous citoyens du monde. Les catastrophes comme les conflits armés nous concernent puisqu’ils concernent d’autres êtres humains. Nous avons des marges d’action par rapport à ces conflits :

  • En restant informés et en nous questionnant et, malgré la complexité de ces conflits, en cherchant à nous positionner. Comment suivre des conflits qui se passent à l’autre bout du monde quand on est confronté à des informations et des contre-informations ?[13] Des vérités et des contre-vérités ? En suivant les informations à travers les yeux de quelqu’un qui par exemple a été sur place ou d’une association qui travaille sur le terrain comme SyriaCharity[14]. Cela permet en temps réel de voir les images et les vidéos des conflits et de personnaliser le conflit : ce sont bien des personnes qui vivent ces tragédies ;
  • En signant des pétitions afin de faire connaitre à l’opinion publique une cause ou afin de faire pression sur des dirigeants ou sur un gouvernement ;
  • En manifestant notre désaccord face aux politiques et régimes autoritaires, en formant une opposition citoyenne ;
  • En soutenant et finançant des associations qui luttent pour défendre les droits humains dans le monde : Amnesty International, Médecins du Monde, Médecins sans frontières, Consortium 12-12, Caritas International, Handicap International, Oxfam Solidarité, Unicef, Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ;
  • En soutenant des mouvements ou des leaders locaux qui réparent les dégâts de la guerre ou s’attaquent aux racines de celle-ci : citons par exemple le docteur Mukwege au Congo qui lutte contre le viol utilisé comme arme de guerre, Aung San Suu Kyi qui s’est opposé à un régime autoritaire et violent en Birmanie ou encore Maggy Barankitse qui, à travers l’association Maison Shalom, réclame le déploiement de casques bleus pour protéger les civils et prévenir une guerre civile ;
  • En fournissant des dons en nature[15] comme des dons alimentaires, dons de vêtements, dons de matériel médical que des associations comme notamment le Comité international de la Croix-Rouge font convoyer vers les zones de conflits ;
  • En rejoignant des organisations humanitaires comme le SCI (Service civil international) qui ont des liens avec des initiatives concrètes sur le terrain et peuvent aider à rejoindre des groupes d’action[16] ;
  • En accomplissant des missions à l’étranger comme le propose l’association d’aide humanitaire Solidarités Internationales[17].

En tant que collectif

Organiser une action ensemble, c’est une façon de montrer que les crises politiques ne nous laissent pas indifférents :

  • En attirant l’attention sur les conflits notamment en organisant des actions au sein des communes, des associations de quartier, des écoles, des mouvements de jeunesse, des camps de vacances, des associations, des entreprises, etc. ;
  • En récoltant une aide matérielle à envoyer à une population vivant dans des zones de guerre
  • En récoltant des fonds par l’organisation d’un repas de solidarité, une tombola, une soirée, un match de soutien ;
  • En faisant pression sur les politiques, par exemple par la mise en œuvre d’une action non-violente de soutien : un “sit-in” de solidarité avec les réfugiés, une marche, un happening festif et engagé, un moment de silence, etc.

En tant qu’acteur politique : courage et cohérence

Les politiques mises en œuvre par un Etat se doivent d’être cohérentes. Aucune décision ne devrait être prise si elle entre en contradiction avec une autre. Cet exercice s’avère périlleux sans une vision, une orientation ou une option sur laquelle se référer en cas de décisions. Les décideurs nationaux, lors de leurs décisions devraient toujours tenir compte de leur impact sur le reste du monde.

Force est de constater que les politiques mises en œuvre notamment en ce qui concerne le commerce d’armes manquent de cohérence et de recherche du bien commun. En effet, la Région Wallonne exporte des armes vers des pays comme l’Arabie Saoudite. Cette décision est incohérente avec le deuxième critère du décret wallon réglementant l’exportation d’armes[18] qui stipule qu’après avoir évalué l’attitude du pays destinataire concernant le respect des droits de l’homme, le Gouvernement peut refuser la licence d’exportation à ce pays. Il semble que l’Arabie saoudite est un pays qui viole les droits humains, ce qui n’empêche pas la Région wallonne d’exporter environ la moitié de ses armes à ce pays. Certains experts vont encore plus loin en se demandant si la Belgique n’est pas complice de crimes de guerre. Ainsi le GRIP pose-t-il la question : « Un gouvernement qui vend des armes à – et soutient militairement – l’Arabie saoudite se rend‑il coupable de crime de guerre au Yémen ? »[19].Or, le choix de refuser de telles exportations est possible, comme en témoigne la décision[20] prise par la Suède en 2015.

La cohérence doit chez les décideurs aussi s’accompagner de courage. Avoir du courage signifie prendre des décisions, élever la voix et faire pression de manière efficace afin que cessent les crimes de guerre. Avoir du courage, c’est surtout défendre les droits humains de chaque personne à travers le monde. Avoir du courage c’est accepter d’adopter des positions fortes même quand la réalité est complexe. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas être découragé. En effet, comme le dit le philosophe activiste Alain Deneault, « le découragement fait partie de l’engagement politique ». Et « la politique est l’affaire d’enjeux impossibles ; c’est parce qu’il n’existe pas de solutions à un problème qu’on fait de la politique. »[21].

Dans la guerre civile syrienne, notamment, nos politiques belges et européennes manquent dramatiquement de courage. Alors que le régime syrien et ses alliés bombardent les civils, alors qu’il semble admis que le régime utilise des armes chimiques contre son propre peuple et viole le droit international (crimes contre l’humanité, crimes de guerre) poussant des millions de personnes à migrer, les sanctions sont insuffisantes, voire inexistantes. Notamment au sein du conseil de sécurité de l’ONU : la Russie, fidèle allié de Bachar Al-Assad, s’opposant avec son droit de véto aux sanctions, le blocage se généralise année après année, l’indifférence perdure.

Cette première section nous a montré quatre niveaux auxquels une multitude d’actions peuvent être menées afin de cesser d’être complices et ne pas soutenir – même indirectement – des oppresseurs ou des groupes armés qui mettent en danger des civils. Même s’il est certain que nos comportements de consommateurs et de citoyens isolés n’apporteront pas à eux seuls la paix à laquelle de nombreux migrants aspirent pour leur pays d’origine, une combinaison des différents niveaux d’action permettrait déjà de grandes avancées. Nous allons maintenant nous intéresser aux actions possibles pour s’attaquer aux causes environnementales des migrations.

​2. Agir sur les causes environnementales

Nous ne pouvons nier que nous avons, en tant qu’habitants d’un pays occidental, une responsabilité dans la crise écologique que nous vivons collectivement aujourd’hui. Notre empreinte écologique est catastrophique. En cause, notre modèle de développement et nos modes de vie : nourriture, transports, logement, déchets, etc. Si toute l’humanité consommait comme les Américains, il faudrait quatre terres entières pour subvenir à ses besoins[22].

A divers endroits du globe, les conséquences dramatiques de l’action humaines sur l’environnement se font ressentir : montée des eaux, sécheresse, famine, etc., et obligent des millions de personnes dans le monde à migrer. Ces migrants sont appelés « migrants climatiques » et représentent près d’un tiers du nombre total de migrants dans le monde, 25 millions de personnes. Ce nombre est en constante croissance : « on parlerait de 200 millions de migrants forcés de l’environnement d’ici 2050 »[23].

Les pays en voie de développement, qui polluent le moins sont ceux qui sont prioritairement confrontés aux plus gros désastres environnementaux et, comble de la surenchère, sont touchées par des changements climatiques principalement des personnes très fragilisées économiquement.

En tant que consommateur

Un premier niveau où nous pouvons agir sur les problèmes écologiques, c’est celui de l’écologie du quotidien. Nous pouvons participer à protéger notre écosystème planétaire en consommant de manière responsable, en réduisant notre empreinte écologique. De plus en plus de réseaux prônent une existence moins énergivore et plus respectueuse des limites planétaires. Il est aujourd’hui urgent que chacun d’entre nous adopte un mode de vie qui ait le plus faible impact environnemental possible. De nombreux mouvements, groupes ou initiatives locales peuvent nous aider dans ces transformations de vie : le zéro déchet ou minimalisme (voir par exemple l’ouvrage ou les conférences de Béa Johnson[24]) – la simplicité volontaire (voir par exemple le site du Réseau québequois de simplicité volontaire) – la sobriété heureuse (voir par exemple les ouvrages et chroniques de Pierre Rabhi).

  • En réfléchissant à mes achats : je privilégie les achats locaux, de saison, si possible bio ;
  • En réduisant mon gaspillage (au point de vue consommation, emballage, logement, transport…) ;
  • En triant mes déchets et en compostant ;
  • En recourant à un fournisseur d’électricité verte, alternative à l’énergie nucléaire et aux combustibles fossiles[25] ;
  • En devenant coopérateur de la banque NewB, banque éthique, transparente et participative, véritable moteur d’une économie locale et durable[26].

En tant qu’acteur citoyen

Comme expliqué plus haut dans le volet politique, le vote transfère une responsabilité à des politiciens ou à un parti. Au moment des élections, il est donc primordial de se demander quel parti veut augmenter les énergies renouvelables et dans le même temps stopper notre dépendance aux énergies polluantes, qui par ailleurs, sont souvent produites par des régimes autoritaires. Mais il ne suffit pas de voter. Comme nous le disait déjà Gandhi, « la vraie démocratie ne viendra pas de la prise du pouvoir par quelques-uns, mais du pouvoir que tous auront de s’opposer aux abus de l’autorité ». Il s’agit tout au long du mandat des hommes et femmes politiques de veiller à ce qu’ils respectent leurs promesses et de leur faire savoir ce que nous attendons d’eux. Il s’agit de veiller à ce que nos représentants soient cohérents et courageux en matière environnementale.

  • En s’impliquant dans des initiatives communales qui requièrent la participation citoyenne ;
  • En portant la voix des générations futures au sein des organes de décision ;
  • En épargnant et en investissant dans une banque qui finance uniquement des entreprises et des banques qui respectent l’environnement comme la Banque Triodos[27] ;
  • En soutenant des associations contre le nucléaire[28] ;
  • En s’engageant dans des projets citoyens comme dans des groupes d’achat communs[29] ou en rejoignant des « quartiers durables citoyens » qui soutiennent, accompagnent et valorisent des initiatives citoyennes collectives durables à l’échelle des quartiers[30], un supermarché coopératif comme Beescoop[31], etc. ;
  • En s’engageant activement dans des projets qui veulent réimaginer et reconstruire le monde comme le réseau en transition[32] ;
  • En s’engageant dans des projets consultatifs mis en place par des communes comme le plan d’action Agenda 21 pour le développement durable ;
  • En organisant des actions de sensibilisation ou d’éducation à l’environnement (ou en rejoignant ou soutenant les associations qui font déjà ce travail comme par exemple les Amis de la Terre)[33].

En tant que collectif

Chaque organisation doit tenir compte de son impact sur l’environnement et sur le climat. De plus, la voix de l’écologie ayant du mal à se faire entendre, il est important que les associations puissent s’associer entre elles pour faire pression sur nos gouvernements et relayer les préoccupations écologiques croissantes de la population. Il s’agit de rejoindre des mouvements écologistes ou des fédérations comme Inter-Environnement pour peser plus lourd sur les décideurs.

  • En réduisant les impacts environnementaux liés au travail de bureau : gestion du papier, matériel d’écriture, matériel de classement, bureaux, etc.[34] ;
  • En réduisant son empreinte carbone sur internet[35] ;
  • En compensant les émissions de CO2 restantes. Malgré notre volonté de réduire collectivement notre empreinte écologique, il reste malheureusement toujours une empreinte carbone incompressible. Il est possible de la compenser en contribuant financièrement à un projet de réduction de CO2 dans un pays en développement[36] ;
  • En rejoignant un des mouvements de villes en transition. Ce mouvement, porté par des citoyens, anticipe la raréfaction des ressources minières et pétrolières et vise à se défaire de la dépendance au pétrole[37] ;
  • En s’associant pour peser sur les décisions politiques au sein de mouvements environnementaux ou de fédérations comme la Fédération Inter-Environnement Wallonie ou Inter-Environnement Bruxelles.

En tant qu’acteur politique : courage et cohérence

Il faut prendre des décisions politiques cohérentes en matière environnementale. Nos dirigeants ne peuvent pas à la fois s’engager à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement au-dessous de 2°C, et dans le même temps relancer des activités polluantes comme par exemple la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires et la relance des centrales fissurées. Cela empêche le développement d’alternatives et fait l’impasse sur la transition énergétique.

L’écologie devrait faire partie intégrante des préoccupations politiques au lieu de sans cesse être considérée isolément. Evidemment, l’arrivée de l’écologie dans la sphère politique est récente et pour beaucoup, il n’est pas encore usuel d’y faire référence. Pourtant, la protection de l’environnement devrait se trouver au centre des projets démocratiques. Il en va de la responsabilité des élus politiques, qui, bien qu’au pouvoir seulement pendant quelques années, ont le devoir de déjà penser aux générations futures.

Cette deuxième section nous a donné à voir une liste bien sûr non exhaustive d’actions que nous pouvons mener pour lutter contre les différentes détériorations de la planète. Elles contribuent à rendre certaines régions du monde de moins en moins habitables et entrainent ainsi des mouvements migratoires qui visent à retrouver des lieux où les conditions d’existence sont moins hostiles.

3. Agir sur les causes économiques

Dans les pays riches comme la Belgique, il est courant d’entendre résumer l’immigration économique par la phrase : ‘on ne peut pas accueillir toute la misère du monde’. L’affirmation selon laquelle les migrants seraient pauvres est fausse. Beaucoup d’études ont en effet prouvé que ce sont les plus riches qui parviennent à franchir des frontières. Ensuite, c’est considérer les personnes comme une valeur économique et plus comme un être humain. Enfin, c’est considérer que les migrants ne viennent que parce qu’ils sont des profiteurs opportunistes et intéressés ; cela revient à éluder tout ce que nous causons dans leur pays qui fait qu’ils doivent fuir et, en plus estimer qu’ils en sont redevables.

Pourtant, l’Europe ne cesse de piller, d’accaparer, d’exploiter les ressources naturelles et économiques de nombreux pays. A l’époque de la colonisation déjà mais aujourd’hui encore : le pétrole, les minerais, l’or, les terres, les mines … Toutes ces exploitations, en plus de bien souvent détruire la terre, poussent des gens à ne plus pouvoir survivre là où ils vivent et donc à quitter leur habitat. Les plus pauvres quitteront leur foyer pour des villes qui sont déjà surpeuplées, les plus riches tenteront de rejoindre les côtes européennes au péril de leurs vies.

En tant que consommateur

Notre modèle de développement et le modèle économique qui le soutient est aujourd’hui à repenser. La logique du toujours plus ou plus c’est mieux montre ses limites. On nous a longtemps laissé croire qu’être un bon citoyen, c’était consommer le plus possible pour créer du travail et pouvoir redistribuer les bénéfices à tout le monde. Ce beau scénario n’a cependant jamais eu lieu et les dégâts de nos consommations outrancières se font sentir aujourd’hui à tous les niveaux : écologique, sanitaires, au niveau du sens de nos existences[38] mais aussi avec le creusement toujours plus grand des inégalités et une pauvreté indécente qui perdure et même qui s’accentue dans différentes régions du monde.

  • En épargnant et en investissant dans une banque qui n’investit que dans des entreprises et des projets œuvrant à un changement positif comme la Banque Triodos[39].
  • En achetant des aliments « Fairtrade » qui offrent de meilleures conditions de vie aux producteurs défavorisés du Sud tout en instaurant un échange « win-win » entre le producteur et le consommateur [40] ;
  • En achetant des produits équitables, on garantit des conditions de travail décent et un prix stable pour les producteurs ;
  • En agissant pour le commerce équitable, en faisant notamment des achats éthiques[41] ;
  • En boycottant les entreprises tant qu’elles ne garantissent pas des conditions de travail digne pour leurs employé-e-s (en boycottant par exemple les produits électroniques Apple[42], les vêtements H&M et Zara[43], etc.) ;
  • En boycottant les entreprises[44] qui pratiquent l’évasion fiscale et du coup se soustraient aux mécanismes distributifs qui pourraient participer à diminuer la pauvreté.

En tant qu’acteur citoyen

Nous l’avons vu précédemment, voter permet de participer directement à la prise de décision politique. Mais comment créer des conditions d’une croissance économique partagée par tous ? Notamment en réduisant la dette des pays pauvres mais aussi en accordant, de façon judicieuse, plus d’aide au développement afin d’améliorer le niveau de vie des populations locales. Dans le même temps, il est essentiel d’ajuster les politiques d’exportations qui appauvrissent les communautés locales obligées de manger ce qu’elles ne produisent pas et produire ce qu’elles ne mangent pas.

  • En faisant des petits gestes simples comme offrir ou recevoir un cadeau solidaire : offrir ou recevoir une chèvre, un cochon, un potager, des plantes, des médicaments, etc.[45] ;
  • En s’impliquant dans des projets initiés par le CADTM (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes) notamment en rejoignant ou en construisant un groupe local, en se mobilisant avec eux (actions, manifestations, activités, etc.)[46] ;
  • En s’impliquant dans des projets initiés par sa commune ou par des écoles, qui soutiennent des projets de solidarité internationale ;
  • En dénonçant le fait que certains gouvernements permettent à des investisseurs privés ou publics de déposséder les agriculteurs locaux de leurs terres. Pour lutter contre l’accaparement des terres, on peut notamment acheter des produits équitables mais aussi boycotter certains produits provenant de multinationales qui accaparent les terres comme la chaîne de fast-food McDonald’s[47] ;
  • Au niveau de la commune, en collaborant avec un comité de pilotage local visant à sensibiliser les acteurs locaux au commerce équitable et à intégrer la thématique au sein des communes[48].

En tant qu’acteur politique : cohérence pour le service au développement et courage

Si les politiques mises en œuvre par un Etat se doivent d’être cohérentes, l’Union européenne estime, en conformité avec le Traite de Lisbonne (2007, TFUE article 208) qu’elles doivent également être cohérentes pour le service au développement, c’est-à-dire :

« qu’elles doivent soutenir le commerce et la finance, lutter contre le changement climatique, garantir la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, faire des migrations un atout pour le développement et renforcer les liens et les synergies entre la sécurité et le développement, dans le cadre d’un programme global en faveur de la paix »[49].

Il ne s’agit plus dès lors ici de ne penser qu’aux intérêts et besoins des habitants de son propre pays mais aussi de prendre en compte les intérêts et besoins des habitants des pays en voie de développement.

Les dons et prêts à conditions financières privilégiées comme le prévoit le budget de chaque pays à propos de l’aide au développement sont une manière d’y parvenir. Mais le premier pays bénéficiaire de l’aide au développement de la Belgique est en fait la Belgique, lorsque celle-ci considère l’accueil des demandeurs d’asile comme une aide au développement !

« C’est tout à fait légal. L’OCDE, l’Organisation de Coopération et de Développement économique le permet. Mais cela fausse le calcul, selon Nicolas Van Nuffel, responsable du plaidoyer politique au CNCD 11.11.11 : « Il s’agit d’artifices comptables qui sont utilisés par les pays donateurs. Cela consiste à comptabiliser une partie de l’argent que l’on consacre chez nous à accueillir les demandeurs d’asile comme si c’était de l’aide au développement. C’est évidemment indispensable d’accueillir les demandeurs d’asile chez nous, mais ce n’est pas de l’aide au développement. Ce n’est pas de l’argent qui part dans les pays d’origine pour que les gens puissent vivre dignement et ne pas être forcés à migrer » »[50].

Il faudrait aussi du courage pour stopper les spéculations sur les denrées alimentaires. Ces spéculations ne font pas augmenter les revenus des agriculteurs mais provoquent la famine et l’extrême pauvreté. Au lieu de cela, les politiques devraient garantir la souveraineté alimentaire au Nord et au Sud : « La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle place les producteurs, distributeurs et consommateurs des aliments au cœur des systèmes et politiques alimentaires en lieu et place des exigences des marchés et des transnationales. Elle défend les intérêts et l’intégration de la prochaine génération. Elle représente une stratégie de résistance et de démantèlement du commerce entrepreneurial et du régime alimentaire actuel. Elle donne des orientations pour que les systèmes alimentaires, agricoles, halieutiques et d’élevage soient définis par les producteurs locaux. La souveraineté alimentaire donne la priorité aux économies et aux marchés locaux et nationaux et fait primer une agriculture paysanne et familiale, une pêche traditionnelle, un élevage de pasteurs, ainsi qu’une production, distribution et consommation alimentaires basées sur la durabilité environnementale, sociale et économique »[51].

Nous en tant que collectif

  • En se mobilisant contre des traités commerciaux qui profiteront surtout aux actionnaires des multinationales et aux puissances financières ;
  • En soutenant les luttes citoyennes qui visent à maintenir l’accès des habitants à l’environnement et la gestion responsable de la biodiversité[52] ;
  • En dénonçant l’influence des lobbys économiques sur nos décideurs politiques.

Pour conclure

Nous l’avons évoqué à de nombreuses reprises dans cette analyse[53], nos comportements ont un impact sur les migrations internationales, que nous soyons consommateurs, citoyens, unis au sein de collectifs ou décideurs politiques. Déjà lors de la période coloniale, notre modèle de développement consistait à voler les ressources naturelles et causait des dégâts tant écologiques, économiques que politiques. Aujourd’hui encore, nous portons tous une responsabilité dans les inégalités internationales, et donc dans les causes migratoires internationales. Il est temps de changer nos comportements en profondeur[54], de revaloriser l’image des migrants loin d’être la misère du monde et enfin de ne plus occulter les causes migratoires.

Notes :