. Deux bonnes années après son élection comme évêque de Rome, le pape François publiait Laudato si’ (LS). Quelques mois avant l’assemblée générale des Nations Unies qui allait adopter les Objectifs de Développement Durable (l’Agenda 2030), et une demi année avant la COP 21 qui a donné lieu à l’accord de Paris (12 décembre 2015), fixant des ambitions en matière de lutte contre le changement climatique : soit un timing bien calculé pour adresser à tous les habitants de notre planète un appel à la conversion écologique. Avec cette lettre, il venait nous donner matière à penser, réfléchir, méditer, à espérer. Il venait également nous inviter à prendre position et à agir en faveur de la transition vers une société écologiquement durable, socialement juste, solidaire et conviviale.

" />
Le 13 mai 2020

Laudato si’, cinq ans après

C’était en juin 2015[1]. Deux bonnes années après son élection comme évêque de Rome, le pape François publiait Laudato si’ (LS). Quelques mois avant l’assemblée générale des Nations Unies qui allait adopter les Objectifs de Développement Durable (l’Agenda 2030[2]), et une demi année avant la COP 21 qui a donné lieu à l’accord de Paris (12 décembre 2015), fixant des ambitions en matière de lutte contre le changement climatique : soit un timing bien calculé pour adresser à tous les habitants de notre planète un appel à la conversion écologique. Avec cette lettre, il venait nous donner matière à penser, réfléchir, méditer, à espérer. Il venait également nous inviter à prendre position et à agir en faveur de la transition vers une société écologiquement durable, socialement juste, solidaire et conviviale.

crédit : Amy Reed – Unsplash

Je me souviens bien de mon état d’esprit quelques jours avant la publication. C’était un mélange d’impatience et d’excitation mais aussi d’exigences (l’Église catholique avait attendu si longtemps pour prendre position de façon claire et informée sur les questions d’écologie[3]) et de confiance (comme beaucoup – catholiques ou non –, j’avais vu le Pape faire son premier déplacement hors de Rome à Lampedusa en signe de fraternité avec les migrants et réfugiés, et poser tant d’autres gestes forts qui donnaient à sentir un style différent de celui de ses prédécesseurs).

À la première lecture, je ressentais toujours autant d’impatience et d’excitation : je percevais bien que cette lettre allait me nourrir personnellement, mais je saisissais aussi tout son potentiel pour irriguer le travail qu’avec mes collègues je menais au Centre Avec. Mes attentes et ma confiance n’avaient donc pas été déçues. 

Source d’inspiration et d’action

Cinq années plus tard, je profite de cette date anniversaire pour faire une première relecture : en quelque sorte, revisiter en quoi Laudato si’ a été – et reste – une source d’inspiration et d’action. Étant donné que l’encyclique est devenue pour moi un outil de travail, autant qu’elle continue à me nourrir intérieurement, cette analyse prend la forme d’un témoignage personnel. Néanmoins, ce témoignage est bel et bien ancré dans la réalité du travail d’éducation permanente réalisé par le Centre Avec.

Donc : en quoi Laudato si’ est une source d’inspiration et d’action pour moi ? Elle l’est car elle prend la situation du monde au sérieux, elle est radicale dans le sens où elle va à la racine des maux. Elle fournit une analyse poussée et sérieuse de la situation actuelle et de ses origines ; elle n’y va pas avec le dos de la cuillère quand elle dénonce le pouvoir de la finance, la logique de maximisation du profit à court-terme, et plus largement les logiques de ce que le Pape appelle le paradigme technocratique et la démesure anthropocentrique de la modernité. Et en même temps, elle est jalonnée d’invitations à l’espérance et mobilise de la sorte pour l’action et l’engagement.

Une question de sens de l’existence

Un paragraphe spécifique m’inspire et nourrit le travail que je mène autour de Laudato si’. C’est le paragraphe 160, à mes yeux un des trésors de l’encyclique. C’est un passage que l’on peut extraire de l’encyclique et lire isolément ; il tient et fait sens tout seul. Source d’espérance, son message me pousse à l’action :

« Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? Cette question ne concerne pas seulement l’environnement de manière isolée, parce qu’on ne peut pas poser la question de manière fragmentaire. Quand nous nous interrogeons sur le monde que nous voulons laisser, nous parlons surtout de son orientation générale, de son sens, de ses valeurs. Si cette question de fond n’est pas prise en compte, je ne crois pas que nos préoccupations écologiques puissent obtenir des effets significatifs. Mais si cette question est posée avec courage, elle nous conduit inexorablement à d’autres interrogations très directes : pour quoi passons-nous en ce monde, pour quoi venons-nous à cette vie, pour quoi travaillons-nous et luttons-nous, pour quoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? C’est pourquoi, il ne suffit plus de dire que nous devons nous préoccuper des générations futures. Il est nécessaire de réaliser que ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers à avoir intérêt à laisser une planète habitable à l’humanité qui nous succédera. C’est un drame pour nous-mêmes, parce que cela met en crise le sens de notre propre passage sur cette terre[4] » (LS 160).

Ce paragraphe est intéressant pour plusieurs raisons. Il s’adresse véritablement à tous : chrétiens, non chrétiens, chercheurs de Dieu ou chercheurs de sens. Il peut interpeller chacun.e individuellement, mais le questionnement peut aussi concerner des collectifs : ainsi un mouvement de jeunesse ou une association, un parti politique ou une entreprise pourraient se demander : pour quoi luttons-nous ? pour quoi travaillons-nous ? pour quoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? In fine, ce paragraphe s’adresse à l’humanité dans son ensemble : pour quoi donc passons-nous en ce monde ?

Dans ce paragraphe, le Pape part des générations futures pour finalement arriver à nous, générations d’aujourd’hui. Cependant, même si le texte nous fait revenir à nous, ce n’est pas dans une démarche égocentrique. Au contraire, je trouve que le Pape nous propose, de façon assez géniale, un élargissement du regard. Pourquoi ? Parce qu’il fait de la question écologique une question existentielle, une question de sens de la vie.

L’écologie devient, dans la perspective de Laudato si’, une certaine manière de se tenir dans la vie, une certaine façon d’être au monde et de s’y engager, une certaine manière de se rapporter aux autres, à soi, à la nature, à Dieu.

Un changement de culture

On peut se demander : au fond, qu’est-ce qui façonne, qu’est-ce qui donne chair au sens que nous donnons ou voulons donner à notre vie ? Je pense que ce sont nos décisions. C’est par elles – petites, grandes, moyennes aussi – que nous incarnons, de façon concrète, le sens que nous voulons donner à notre vie. Laudato si’ nous invite à faire de l’écologie un critère essentiel, et même incontournable de chacune de nos décisions. Quand nous prenons une décision, nous sommes invités à ajouter un « critère Laudato si’ » à nos discernements.

Le mot « critère » peut suggérer qu’il s’agit d’une bête « case à cocher », parmi tant d’autres. En réalité, un « critère Laudato si’ », ce n’est pas rien… c’est même rien de moins qu’un changement de perspective et de culture. Pour reprendre une des expressions du pape François, cela veut dire que nous sommes appelés à devenir des êtres sans cesse animés par cette double préoccupation : « écouter tant la clameur de la Terre que la clameur des pauvres » (LS 49) et intégrer cela dans nos décisions.

Notre vie est faite de décisions – prises individuellement mais aussi collectivement. Il y a bien sûr les décisions que l’on prend après un discernement[5] (court ou long), il y a celles qui s’imposent à nous comme des évidences, ou celles qui se prennent après un combat intérieur[6]. Mais il y a aussi tout ce qui repose sur de la non-décision, et tout ce que l’on fait sans trop y penser : il nous faut remettre de la décision, et donc du discernement, en amont des choses que l’on fait automatiquement, par habitude, ou comme échappatoire, par facilité, ou encore parce que l’on pense qu’on ne peut pas faire autrement, ou parce que tout le monde fait comme ça.

Cela veut notamment dire qu’il faut se donner du temps, parfois se créer des espaces-temps, pour rendre possible la délibération afin de bien informer et ainsi fonder nos décisions – qu’elles soient individuelles ou collectives[7].

Embrasser la complexité et donner sens aux contraintes

Si on intègre un « critère Laudato si’ » à nos décisions, on se retrouvera vite face à de la complexité. Cette complexité, il faut l’embrasser totalement, et ne pas essayer de l’éviter ou l’utiliser comme un bon alibi pour ne pas agir. Laudato si’ n’est pas un programme politique clé-sur-porte, ni un recueil d’éco-gestes à appliquer sans trop penser. Nous ne sommes pas dispensés d’exercer notre liberté et notre responsabilité.

À certains moments, il se peut aussi que l’on vive les choses comme des contraintes. Si on ne vit les choses que comme contraintes, on s’épuisera vite. Nous sommes invités à mettre les choses en perspective, à prendre conscience pour quoi (en vue de quoi) on fait les choses, à donner du sens. Personnellement, prendre conscience « je fais cela pour la création, pour mes frères et sœurs en humanité » m’aide à prendre et à vivre de nouvelles habitudes, qui pourraient me sembler des contraintes, ou à vivre des renoncements comme source de vie. Prendre conscience que mes décisions engagent ma manière d’habiter ce monde avec tous ceux qui y vivent, m’aide au quotidien. Si on donne ce sens-là à l’engagement écologique, « de petites décisions peuvent procurer beaucoup de joie, lorsqu’elles font grandir le sens de la communion avec les co-habitants de notre maison commune, l’attention pour eux, le sens d’un avenir partagé avec eux »[8].

Nos styles de vie : un terrain d’engagement et de décisions

Laudato si’ fait de façon naturelle le lien entre consumérisme et spiritualité : « Plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder, à consommer » (LS 204). Je voudrais mettre en lumière certains enjeux spirituels[9] liés au style de vie consumériste[10], pour montrer que réintroduire du discernement et de la décision derrière nos choix de consommation peut être enthousiasmant dès lors que l’on saisit la grandeur des enjeux : il est question de liberté, de besoins, de limites, de relations et de liens, de rapport au temps.

Un premier enjeu est de retrouver notre liberté. Le consumérisme est addictif : on se retrouve dans une logique du toujours plus, toujours plus vite et, finalement, nous ne sommes jamais satisfaits[11]. « Étant donné que le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles » (LS 203). La question à se poser devient : qu’est-ce que je fais de mon désir ? Vers où est-il orienté ? Vers l’avoir, la possession et l’accumulation, le paraître ? Ou vers le partage, la solidarité, le service ?

Un deuxième enjeu est de prendre conscience des besoins que nous essayons de combler en surconsommant. Que ce soit, par exemple, la reconnaissance sociale, la sécurité, ou le besoin de vivre en paix la conscience de sa propre finitude : ces besoins sont à prendre au sérieux. Il ne s’agit pas de les balayer d’un revers de la main. Nous pouvons par contre nous exercer à les satisfaire autrement que par ce que la société de consommation nous propose.

Se poser la question des besoins peut aussi amener à cette interrogation : est-ce de la propriété d’un bien dont j’ai besoin, ou de son usage ? Prenons l’exemple de la voiture : est-ce de mobilité dont j’ai besoin, ou de la propriété d’une voiture ? Les exemples sont nombreux de choses que l’on ne doit pas nécessairement posséder pour en avoir l’usage.

La question des besoins nous amène naturellement à intégrer celle de la limite. Quel rapport entretenons-nous avec la limite ? Cela concerne nos propres limites et notre finitude, bien sûr aussi celles de la planète. Mais la limite peut aussi nous porter vers un autre questionnement : jusqu’où la dignité des êtres humains peut-elle être en jeu ? jusqu’où les dégâts humains, sociaux, sanitaires, psychologiques causés par la démesure de nos modes de vie consuméristes doivent-ils aller pour que soient mises en place les conditions d’un développement écologiquement durable et socialement juste ?

Un troisième enjeu consiste à remettre du lien, de la relation, derrière l’acte de consommation. Cela nous demande d’ajouter une dimension de contemplation à l’acte de consommation. Quand je bois mon café ou mon thé, je peux choisir de prendre conscience que, derrière celui-ci, il y a des personnes : des cultivateurs, des ouvriers qui, soit travaillent dans des conditions qui ne sont pas humaines, soit peuvent vivre dignement de leur métier. Dès lors, en choisissant tel ou tel produit, je choisis d’être en relation avec telle ou telle personne, tel type de société, tel modèle de production[12]. Derrière ma boisson, il y a aussi des ressources naturelles : de la terre, de l’eau, de l’énergie nécessaires à la production, au transport, etc. Bref, si je contemple mon café ou mon thé, je peux choisir de me mettre en lien avec tout un réseau de personnes, que je ne rencontrerai probablement jamais, mais dont je peux choisir de me faire solidaire.

Quand on parle de consumérisme, on peut aussi parler de la consommation d’expériences, ou de choses à faire : tel endroit à visiter, tel livre à lire, tel film à voir, telle conférence à laquelle participer… On se retrouve alors avec une to do list qui ne s’épuise jamais. Il y a aussi la consommation de réseaux sociaux qui prend du temps, voire même la consommation d’engagements[13]. Un quatrième enjeu serait alors de revoir notre rapport au temps, dont on sent bien qu’il n’est plus très ajusté ni à une vie bonne qui fait sens, ni à l’enjeu écologique[14].

Laudato si’ parle aussi de cette « intensification des rythmes de vie et de travail » et de « rapidación » (LS 18), au tout début du premier chapitre, consacré à « ce qui se passe dans notre maison commune » : c’est dire que cet élément qu’est la « rapidación » est un rouage fondamental du fonctionnement du monde aujourd’hui. Vers la fin de l’encyclique, le pape François revient sur cette question : « L’être humain tend à réduire le repos contemplatif au domaine de l’improductif ou de l’inutile, en oubliant qu’ainsi il retire à l’œuvre qu’il réalise le plus important : son sens. Nous sommes appelés à inclure dans notre agir une dimension réceptive et gratuite, qui est différente d’une simple inactivité » (LS 237). Nous voici donc ramenés à la question du sens, et par là, à la question de nos décisions.

Une boussole pour fonder nos décisions

Sur quoi fondons-nous nos décisions ? Chacun.e a ses repères, ses valeurs, sa boussole qui le guide. Cela peut être des valeurs et des repères qui s’enracinent dans une tradition religieuse ou non. Non pas que chacun.e puisse faire ce qui lui chante : un socle commun doit rester la Déclaration universelle des droits humains. Pour être à la hauteur des défis du monde aujourd’hui, il s’agit cependant d’introduire un nouveau critère, peu importe qu’on l’appelle Laudato si’ ou non : celui de prendre en compte simultanément le défi écologique et le défi social.

Pour les chrétiens, la question devient plutôt sur qui fonder ses décisions ? C’est évidemment sur la personne du Christ que les chrétiens sont appelés à les fonder. Évidemment ? En réalité, ce n’est pas toujours si évident. Dans le 6ème chapitre de Laudato si’, le Pape parle de la conversion écologique en ces termes : il s’agit de « laisser jaillir les conséquences de notre relation avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui nous entoure » (LS 217). Les chrétiens sont donc invités à sans cesse revenir au Christ, à cultiver une amitié et une familiarité avec lui. Et puis, à laisser jaillir les conséquences de cette amitié.

Dialoguer sur les choses qui comptent

Pour terminer, je voudrais revenir à l’appel au dialogue qui se trouve au cœur de Laudato si’.Dans le cinquième et avant-dernier chapitre (« Quelques lignes d’orientation et d’action »), le pape François met l’accent sur l’agir. Toutes les sections de ce chapitre ont le mot dialogue dans leur titre : c’est dire combien cela a de l’importance et est une dimension essentielle pour accompagner la conversion écologique. Le dialogue fait bouger les choses, nous fait bouger intérieurement, élargit notre regard.

Entrons donc dans un processus de discernement en commun sur l’avenir de notre maison commune, la Terre. Dialoguons sur ces choses qui comptent : la Terre, ses habitants, le climat, les inégalités. Nos peurs, nos colères, notre sentiment d’impuissance. Nos motivations, notre espérance, notre volonté d’agir pour le bien commun. Le sens que l’on donne à sa vie.

***

Aujourd’hui, en ce printemps 2020, nous devons toutes et tous traverser la crise causée par le nouveau coronavirus. Crise sanitaire, qui engendre une crise économique et sociale : nous voyons bien, et nous vivons pleinement le « tout est lié » qui revient comme un refrain dans Laudato si’. Nous expérimentons l’interdépendance : le coronavirus ignore les frontières, et toute l’humanité est sur le même bateau. La crise sanitaire, tout comme la crise climatique, met en lumière les inégalités : certains sont sur le pont du bateau, d’autres à fond de cale.

Cette crise vient aussi nous questionner dans nos rapports aux autres, à soi. Elle vient parfois nous bousculer dans notre rapport à la mort, et, comme en écho, nous renvoie aux questionnements relatifs au sens de la vie.

On pressent bien qu’il y aura un avant et un après le Covid-19. L’heure n’est pas encore à la prise de recul suffisante pour livrer une analyse approfondie – nous sommes encore en plein dedans ! – mais voici, pour clôturer cette analyse, un petit pas de côté tout de même : un détour par l’étymologie du mot crise, pour préparer le terrain de l’après-crise. En grec, la crise, c’est le « moment du jugement, du discernement, de la bifurcation et de la décision ». De la décision ? Nous y revenons donc… Oui, des décisions devront être prises : individuellement, collectivement. Saisissons l’occasion pour remettre du discernement, du dialogue et de la délibération derrière les choses que l’on fait par habitude, ou parce que l’on pense qu’il n’y a pas d’alternatives.

La crise n’est pas un moment critique dont on peut se dire « attendons que cela passe, après on reviendra au business as usual ». Elle est plutôt une occasion pour changer le cours des choses. En chinois, le mot crise se dessine par un double idéogramme signifiant obstacle et opportunité. Le chemin de l’après-Covid-19 n’est pas écrit d’avance. Ne ratons donc pas l’opportunité de faire de Laudato si’ (ou, par exemple, de l’Agenda 2030) une boussole pour nous aider à le tracer !

Notes :

  • [1] La lettre encyclique Laudato si’ est signée en date du 24 mai 2015, mais elle a été rendue publique le 18 juin 2015.

    [2] La Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015 (« Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 « ) figure sur le site : https://unctad.org/meetings/fr/SessionalDocuments/ares70d1_fr.pdf.
    Pour une analyse des convergences et divergences entre Laudato si’ et l’Agenda 2030, voir Thierry Vuylsteke, « Laudato si’ et l’Agenda 2030 des Nations Unies, deux appels à transformer notre monde », analyse du Centre Avec, juillet 2019. Disponible en ligne www.centreavec.be/publication/laudato-si-et-lagenda-2030-des-nations-unies/.

    [3] Certes, à l’égard de l’écologie, des prises de position – sur lesquelles Laudato si’ revient dans son introduction – avaient déjà été émises par Jean-Paul II et Benoît XVI, ou encore par différentes conférences épiscopales, mais il y avait un vide dans ce que l’on appelle le corpus de l’enseignement social de l’Église que Laudato si’ est venu combler.

    Notons aussi que l’Église catholique était en retard dans sa prise de position tant par rapport au monde scientifique et à la société civile que par rapport à d’autres confessions religieuses – songeons à diverses églises protestantes.

    [4] C’est moi qui souligne (le gras n’apparait pas dans le texte original). On aura bien noté les pour quoi, en deux mots, qui appellent non un parce que, mais bien un en vue de…

    [5] Par « discernement », il faut entendre ici une démarche – libre d’attachements nuisibles – qui s’efforce de reconnaître et distinguer avec rigueur les éléments constitutifs de la réalité, en détectant leur importance respective, en vue d’opérer les choix d’action, de prendre les décisions qui permettront de poursuivre au mieux la finalité de notre vie (personnelle, collective…), dans la perspective du bien commun.

    [6] Ce combat intérieur peut concerner nos tendances altruistes et égoïstes, qu’il serait illusoire d’ignorer. Mais il tient également au fait que l’être humain est une réalité globale, multidimensionnelle, avec notamment ses dimensions physique, psychique, spirituelle. Ainsi, pour être rationnelle, toute décision, comme tout discernement, met en jeu non seulement nos facultés intellectuelles, mais aussi nos sentiments, l’intime de nous-même, notre intériorité. Même au cœur des débats intellectuels, l’expérience humaine met en évidence l’importance des mouvements intérieurs : par exemple, sentir intérieurement que telle option fait éprouver durablement satisfaction, joie, espérance apparaît comme signe que celle-ci fait vivre ; a contrario, sentir intérieurement que tel projet de décision laisse durablement un sentiment d’insatisfaction, de tristesse, d’amertume, c’est plutôt signe négatif de destruction.

    [7] Il est des lieux ou des situations où l’être humain est privé de toute possibilité de prendre des décisions, où sa capacité d’initiative est niée. Le sens se mue alors parfois en non-sens ou en contre-sens. La dignité de l’être humain est ainsi bafouée. Je pense, par exemple, au monde pénitentiaire. Deux réflexions méritent d’être menées. Je les cite, sans les développer dans le cadre de cette analyse. Concernant le niveau individuel : est-il possible, en prison, d’accompagner la personne détenue, de manière à valoriser tous les interstices qui permettent la prise de décision ? Et à un niveau collectif, sociétal : nous pensons que nous ne pouvons pas faire société autrement qu’avec un système pénitentiaire. N’y a-t-il pas lieu de remettre de la décision, et donc de la délibération et du discernement derrière cette façon de faire que l’on croit inévitable ?

    [8] Fiche Ecojesuit n°11. Voir www.jesuites.com/fiches-ecojesuit/

    [9] J’entends ici la spiritualité dans un sens très large, comme une donnée anthropologique commune à tout être humain : il s’agit, dans ma compréhension, de cet espace intérieur où l’être humain donne sens à sa vie, oriente son désir et prend ses décisions, alors qu’il sait qu’un jour il va mourir. Cette manière de considérer la spiritualité n’implique pas la croyance en une transcendance. Comme chrétienne, je dirai que c’est la vie de l’Esprit en moi.

    [10] Pour une analyse plus poussée de ces enjeux, voir la partie « Mondialisation et culture : la victoire du consumérisme » dans l’étude du Centre Avec : Claire Brandeleer et Claire Wiliquet, Mondialisation dérégulée : invitation à l’espérance agissante, 2013. En ligne : www.centreavec.be.

    [11] Tim Jackson n’hésite pas à parler de la « cage de fer » du consumérisme. Voir Tim Jackson, Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable, Bruxelles, De Boeck, 2010, p.95.

    [12] L’idée me vient de Xavier de Bénazé – qui prend l’exemple de nos vêtements. Voir sa conférence https://stignace.net/wp-content/uploads/2019/02/190326-de-Be%CC%81naze%CC%81.pdf (consulté le 13 avril 2020).

    [13] Signalons à ce sujet l’éclairage de Cynthia Fleury dans la websérie Clameurs réalisée par le CERAS (www.clameurs-lawebserie.fr/). Voir www.youtube.com/watch?v=v3HWQftVoh8

    [14] Sur la question de l’accélération, voir notamment la revue En Question, n°131 (décembre 2019), qui y consacre son dossier (www.centreavec.be/dossier/lacceleration-peut-on-lui-resister/).