Le 17 janvier 2014

La gouvernance planétaire de l’Antarctique

Le courage de ne pas opposer intérêt national et intérêt général

Le continent austral bénéficie depuis plus de 60 ans d’un régime de gouvernance unique au monde, le Traité de l’Antarctique. A l’heure où l’économie mondiale impose l’exploitation des ressources minières et d’hydrocarbures virtuellement partout, le sanctuaire économique, militaire et écologique de l’Antarctique résiste. Mieux même, trois conventions internationales (1972, 1980 et 1991) ont renforcé les mesures de précaution et tous les pays puissants de la terre ont ratifié le Traité. Qu’est-ce qui fait son succès ? Pourquoi des pays rivaux sur la scène géopolitique parviennent-ils à maintenir une attitude de coopération là où ils sont prêts à se sauter à la gorge dans d’autres instances – singulièrement au Conseil de sécurité des Nations Unies ? 

En 1947, l’amiral américain Richard Byrd survolait le pôle Sud avec une expédition de l’armée américaine. Il lançait une boîte en carton avec le drapeau des Nations Unies et celui de chacun des pays membres de l’organisation. Le geste était symbolique, il voulait promouvoir « l’idéal de fraternité entre les peuples ».

Ce geste d’idéalisme nous semblait bien introduire la réflexion sur l’avènement d’une gouvernance mondiale, ses opportunités, nécessités et risques. Force est de constater que la gouvernance supranationale ne fonctionne pas suffisamment bien. Les exemples abondent : détérioration des écosystèmes, réchauffement planétaire, crises alimentaires, crises humanitaires, fuite des capitaux et effets boule de neige dans les crises financières, … L’action coordonnée des Etats n’atteint pas les objectifs fixés, comme le démontre l’échec des Objectifs du millénaire pour le développement[1]. Et pourtant, certaines choses semblent marcher. Nous avons choisi d’étudier un exemple marquant de gouvernance internationale où des décisions courageuses se prennent et où les solutions sont respectées et appliquées.

Source : Landsat Image Mosaic of Antarctica team

Le chemin vers une gouvernance du continent austral
 

Au départ, il y a un continent lointain, aux conditions de vie extrêmes et hostiles, sans population, le dernier continent à avoir été exploré sur notre terre puisque sa découverte date de 1820. Un continent qui ne sera jamais colonisé et qui accueille entre 1000 personnes en hiver et jusqu’à 5000 personnes en été, principalement des chercheurs.

On aurait pu croire qu’après l’évènement pionnier de 1947, l’Organisation des Nations Unies aurait été amenée à gérer ce continent jusqu’alors peu exploré. La toute fraiche institution des Nations Unies (1945) semblait prometteuse. Mise en place et menée par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, elle venait de succéder à la Société des Nations, elle-même incapable de contenir les élans belligérants qui avaient mené à la Guerre. Le monde avait besoin de stabilité et de gouvernance internationale.

Il n’en fut pourtant rien. Les débats initiaux aux Nations Unies n’ont pas abouti à des résultats tangibles au sujet du continent austral[2]. Les options internationalistes n’ont pas été retenues. Il avait notamment été suggéré que l’Antarctique soit un territoire mondial sous la souveraineté des Nations Unies. Mais des pays comme le Chili, la France et l’Australie ne voulaient traiter de cette question qu’entre pays avec des intérêts directs.

Le système du Traité de l’Antarctique
 

Dans les années 1950, le multilatéralisme a donc logiquement supplanté l’idée d’une internationalisation parce qu’il faisait moins peur aux pays ayant des revendications territoriales. Chacun des pays engagés justifierait différemment la conclusion d’un traité : certains le qualifieraient d’un accord régional ou bilatéral, là où d’autres parleraient de gouvernance mondiale, compatible avec les principes des Nations Unies. Les travaux préparatoires se sont déroulés dans le secret en 1958-1959, et au bout de ce processus, douze Etats[3] – dont la Belgique – ont signé un traité international fondateur. Sans participation des Nations Unies mais avec une référence directe à celles-ci[4]. Le traité sur l’Antarctique[5] définit le cadre réglementaire qui s’appliquera à tout le continent austral, et même au-delà puisqu’il inclut les plates-formes glaciaires et territoires situés au sud du 60° parallèle Sud. On soulignera l’originalité de la démarche, parce qu’il s’applique à un territoire bien plus grand que l’Europe (soit environ deux fois l’Australie), et que les convoitises vis-à-vis d’une telle masse de terre, même au climat hostile, ne sont pas rares.

Le Traité est initialement conclu entre 12 Etats, auxquels se sont ensuite joints d’autres membres consultatifs adhérents (avec droit de vote) et des membres non-consultatifs (sans droit de vote). En 2014, 50 pays sont signataires dont 28 consultatifs.

Le Traité ne supprime pas les revendications territoriales préexistantes – certaines zones font l’objet de plusieurs revendications territoriales – mais il gèle leur application tant que le Traité est en vigueur. Le Traité a des fins de préservation de la paix (interdiction d’activités militaires), de protection environnementale et de recherche scientifique. Pour un traité multilatéral, sa philosophie est étonnamment universaliste. Le Traité prévoit une collaboration internationale quant à la recherche scientifique et également avec des institutions des Nations Unies au profit de l’ensemble de la communauté internationale.

D’autres instruments législatifs internationaux se sont greffés sur le Traité de l’Antarctique : la Convention sur la protection des phoques de l’Antarctique[6] (1972), la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique[7] (1980) et le Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement en Antarctique[8] (Protocole de Madrid, 1991).

Critiques et soutiens
 

Le Traité a rapidement reçu des soutiens d’autres signataires parmi lesquels des Etats influents mais il a passé dans les années 1980 une période de critiques externes ouvertes, surtout au sein des Nations Unies. Les pays non-alignés critiquaient l’élitisme du système de gestion politique. Certains ont dénoncé le Traité comme émanant d’une pratique de colonialisme et d’apartheid ; ils ont notamment demandé que l’Afrique du Sud soit exclue. En 1983, ces pays ont demandé aux Nations Unies de mettre la question de l’Antarctique à l’ordre du jour de son Assemblée générale.

Du côté de ces pays non-alignés, la demande était empreinte d’un mélange d’idéaux universalistes et de redistribution économique : que l’Antarctique fasse partie du patrimoine commun de l’humanité et soit en tant que tel régi par les Nations Unies, par « de nouvelles règles prévoyant entre autres la participation du tiers monde au processus décisionnel et un système de partage équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources »[9].

L’idée d’une gestion internationale par les Nations Unies séduisait plusieurs juristes de renom, mais elle provoquait également la crainte que cela attise les antagonismes. Les pays signataires du Traité se sont donc efforcés d’impliquer les Nations Unies sans toutefois leur confier le pouvoir, tant au niveau technique que diplomatique. Et, au final, c’est bien le camp du Traité qui a emporté une forme de statu quo.

Les pays avec des intérêts directs (pays limitrophes et pays gérant les bases de recherche en Antarctique) étaient tous opposés à un tel transfert de compétences et de pouvoir décisionnel. Ils ont pesé de tout leur poids diplomatique et avaient l’avantage qu’ils ne demandaient pas de changement.

La communauté scientifique était également opposée au changement. A ses yeux, ce transfert augmenterait la bureaucratie et politiserait davantage la gestion du continent blanc, le rendant susceptible d’être l’objet de luttes d’influence géopolitiques. Mais plus encore, cela ouvrirait la porte à une exploitation économique d’un des derniers sanctuaires planétaires.

Cette période de crise s’est avérée salutaire. La discussion devant l’Assemblée générale des Nations Unies a encouragé un examen de conscience de la part des contractants du Traité quant aux idéaux qu’ils promeuvent pour l’Antarctique, quant aux responsabilités qu’ils y exercent et quant à leur devoir de gestionnaires en bons pères de famille. Il y a eu également un rééquilibrage entre responsabilités des pays riches et des pays aux moindres ressources économiques, financières, diplomatiques ou commerciales. Enfin, les contractants du Traité ont été d’accord de sortir de leur gestion secrète en acceptant la présence d’observateurs extérieurs aux réunions.

De leur côté, les pays non-alignés ont reconnu que le Traité de l’Antarctique contient des éléments positifs, qu’il convient de préserver, ainsi la dénucléarisation, la démilitarisation, le développement de la coopération scientifique et le gel temporaire ou définitif des contentieux territoriaux. Si le Traité contient tant de bons éléments et qu’il est respecté, alors pourquoi changer de système ?

Une précarité salvatrice
 

Ainsi il se fait que les nations les plus actives sur le plan international se retrouvent toutes liées par un accord international. Elles ne peuvent s’en retirer sans causer de grands dégâts diplomatiques. L’équilibre géopolitique est fragile, et personne ne sait ce qu’il adviendrait si un des grands acteurs décidait de sortir du Traité. Les pays qui avaient des revendications territoriales avant la conclusion du Traité les ont laissées en suspens. Sortir du Traité signifierait également que ces disputes peuvent recommencer. Les Etats-Unis et la Russie, qui autrefois n’avaient pas de revendications, se réservent le droit d’en faire si le Traité venait à cesser d’être reconnu. Nul ne doute que des pays émergents comme la Chine réclameraient également leur part du gâteau.

Les pays sont tenus de respecter le sanctuaire économique, militaire et écologique, et ne peuvent revendiquer une utilisation unilatérale. Certains pays s’en mordent les doigts. Ainsi, en juin 2011, lors de la 34e réunion consultative du Traité sur l’Antarctique, la Russie a fait noter qu’elle souhaitait réaliser des « investigations complexes portant sur les ressources minérales, les hydrocarbures et les autres ressources naturelles de l’Antarctique »[10]. Pour cela, elle soutenait qu’il faudrait s’apprêter à abandonner le protocole de Madrid.

Car l’Antarctique recèle de grandes quantités de diamants, d’hydrocarbures, et très probablement d’autres ressources naturelles et biologiques. Si l’on prenait la décision de l’exploiter, qui pourrait le faire ? Une première exploitation ouvrirait la voie à d’autres. Nous connaissons tous l’appétit féroce de l’économie mondiale pour ce qui concerne les matières premières rares.

Choisir cette voie nécessiterait de répondre d’abord à des questions embarrassantes. Qui serait habilité à entamer une telle entreprise ? Comment répartir ses bénéfices économiques ? A partir du moment où l’on ouvrirait la brèche des exceptions au sanctuaire, où faudrait-il mettre ensuite la limite ultime que l’aventure humaine ne devrait pas transgresser ? Quelle analyse préalable des coûts et bénéfices donnerait une vue d’ensemble réaliste et objective notamment au regard des immenses risques écologiques ? Comment éviter de jouer aux apprentis sorciers et ainsi mettre davantage en jeu l’équilibre climatique de la planète ? Comment assurer la protection des intérêts des générations futures ? Toutes ces questions sont si complexes que nous en venons à qualifier la situation actuelle d’une précarité salvatrice.

Autres boîtes de Pandore dans le monde
 

L’Antarctique est cette boîte de Pandore dont tout le monde connaît l’existence. Et nous savons plus ou moins ce qu’elle contient d’alléchant, mais aussi de dangereux. Le monde est partagé entre, d’un côté, la curiosité, la soif, la cupidité, les retombées économiques, d’éventuels élans de redistribution économique et de l’autre, le principe de précaution, la prudence, l’impossibilité de résoudre certaines équations sans provoquer de torts à certains, la solidarité internationale, les intérêts de la planète, de la faune et de la flore, de la biodiversité.

Ouvrir la boîte de Pandore est bien (trop) tentant pour résister. Gageons que nos décideurs y arrivent le plus longtemps possible. D’autres terres ou mers restées vierges d’activités d’exploitation sont dans la même situation. Le Pôle Nord et le Groenland sont tous deux sur le point d’être exploités, alors qu’ils sont tous deux également des systèmes écologiques extrêmement fragiles.

Le Groenland recèle des terres rares, des minéraux rares utilisés dans les technologies avancées et dont l’extraction est très polluante, car leur présence dans le sol est exceptionnellement diluée. Le gouvernement groenlandais s’engage de plus en plus dans une politique d’extraction minière, désireux de s’affranchir économiquement du Danemark et ne pouvant résister devant les contrats proposés par de grands groupes miniers et des puissances étrangères.

Le Pôle Nord, qui n’est pas un continent mais une mer gelée, recèle des hydrocarbures et bien d’autres ressources naturelles. Le problème principal y est que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) est très, voire trop, généreuse pour les Etats côtiers quant à l’exploitation des ressources de la mer (ou du sous-sol). Cette convention offre des définitions larges des mers territoriales, des zones économiques exclusives et des plateaux continentaux. C’est au niveau de cette dernière notion que réside le nœud du problème du Pôle Nord. L’Arctique se situe au-dessus de différents plateaux continentaux (russe, norvégien, groenlandais et canadien principalement). Les pays d’où partent ces plateaux peuvent donc réclamer la propriété d’une grande partie des mers arctiques.

Ces pays parlent ensemble de leurs revendications. Il existe un organe international, le Conseil arctique[11], qui se réunit régulièrement mais qui n’est qu’un organe de coordination et de consultation. En d’autres mots, il ne vise pas – pour l’instant – à faire émerger une législation internationale contraignante. Les populations autochtones (Inuits, Lapons, Yacoutes, Nénetses, Tchouktches, Aléoutes, …) n’ont pas de réelle voix au chapitre international. Vu cette situation de gouvernance internationale désastreuse, il est fort à craindre que les régions arctiques voient bientôt une ruée vers les ressources naturelles. A défaut d’avoir un système similaire au Traité de l’Antarctique.

Les faiblesses de l’ONU
 

Voyons enfin, au vu de ces exemples, quelles recettes marchent ou ne marchent pas en termes de gouvernance internationale. Nos sociétés, nos pays devinent les contraintes écologiques terribles et se rendent plus ou moins compte du caractère insoutenable de notre course au « toujours plus », au consumérisme et à la croissance nominale. Et pourtant, en ce début du 3e millénaire, nous ne parvenons pas à lâcher cette ambiance de fin de siècle, son cynisme, son scepticisme et son pessimisme en prime.

L’Organisation des Nations Unies, comme les autres instances internationales, souffre de cette ambiance. Sur le fond, elle recherche l’intérêt général de l’humanité[12]. Néanmoins, au Conseil de sécurité, comme dans d’autres organes, les Etats membres dépensent souvent plus d’énergie à se neutraliser, à revendiquer une part du gâteau ou à étendre ou maintenir leurs sphères d’influence géopolitique. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est un exemple d’un compromis entre pays du monde entier, où l’on a préféré augmenter la taille du gâteau, prenant plus aux eaux internationales pour donner plus aux Etats côtiers[13]. L’incapacité à agir sur les émissions de CO² est un autre exemple. Mais ne cherchons pas l’exhaustivité de tous les échecs des Nations Unies, car elles ont par ailleurs également engrangé de grands succès, parmi lesquels le récent Traité sur le commerce international des armes (2013)[14].

La moralisation de la diplomatie internationale
 

Nous en revenons aux questions de négociations internationales aux conséquences géopolitiques. Le Traité de l’Antarctique résiste encore et toujours aux convoitises des Etats et des entreprises puissants de ce monde. Pourquoi ce système est-il efficient et qu’est-ce qui pourrait ou devrait être transposé à d’autres domaines, là où c’est possible ? Nous avons évoqué le dilemme de l’universalisme versus le multilatéralisme. Il ne sert à rien de rechercher à réunir tous les pays de la planète si c’est pour en revenir aux travers de ces pays, à savoir leurs luttes d’influence et de leurs intérêts géopolitiques propres. Ce comportement, souvent décrit comme le dilemme du prisonnier[15], empêche bien trop fréquemment la coopération, laissant les Etats croire que l’intérêt national s’oppose à l’intérêt général. En d’autres mots, comment garantir que la coopération l’emporte sur la crainte d’être dupé ? Nous avons vu que la structure des Nations Unies, ses rouages et ses rapports de force n’engendrent pas toujours suffisamment un climat de confiance et de recherche du bien commun. Si d’autres organes ou niveaux s’avèrent mieux adaptés pour favoriser une coopération, il faut avancer, ne fut-ce que provisoirement, à ces niveaux.

Les scientifiques et diplomates ayant pensé et négocié le Traité de l’Antarctique l’ont bien compris, et ils n’ont réuni que les acteurs nécessaires pour permettre un accord contraignant tout en gardant le bien commun en vue. Le rôle de la Belgique au sein des 12 premiers signataires était surtout celui-là : permettre par la reconnaissance de la recherche scientifique belge sur le continent austral de garder le cap sur les objectifs scientifiques et pacifiques.

Au cas où les puissances du Conseil arctique voudraient prendre une même direction, elles devraient rechercher davantage ce qui est dans l’intérêt de l’humanité entière. Elles devraient au moins inclure une voix environnementaliste ou scientifique et surtout elles devraient donner voix au chapitre aux populations autochtones du Grand Nord. Ce n’est qu’avec un focus sur l’intérêt général que les attitudes de coopération internationale pourront émerger.

Une telle dynamique requiert une vision partagée (jusqu’à un certain point) quant aux enjeux et cela demande des concessions, parfois douloureuses, que les participants ne seront prêts à faire que s’il y a un sentiment partagé que celles-ci sont nécessaires pour le bien commun et que ces concessions peuvent être reconnues internationalement, redorant par là même le blason national.

Le chemin vers une gouvernance supra-étatique effective n’est pas toujours celui d’une transposition du pouvoir vers les organes de gouvernance internationale. Parfois des structures ad hoc, fussent-elles interétatiques plutôt que supra-étatiques, sont à préférer. Pourvu que la vision soit mue par des objectifs moraux. L’exemple antarctique nous dit essentiellement ceci : peu importe que l’accord international soit universel, régional ou partiel, il doit avant tout être juste moralement et il doit être reconnu universellement comme tel.

Notes :

  • [1] Voir d’autres recherches du Centre Avec, en particulier l’analyse « Objectifs du Millénaire et réforme de l’ONU » (2005) www.centreavec.be/objectifs-du-millenaire-et-reforme-de-lonu, l’étude « Solidarité et responsabilité politique. Un défi pour la démocratie » (2012), www.centreavec.be/solidarite-et-responsabilite-politique-un-defi-pour-la-democratie et enfin l’article de Amy Pollard « Les Objectifs du Millénaire pour le Développement : une fin et un commencement » paru dans la revue En Question du Centre Avec, n°101, juin 2012.

    [2] Les Nations Unies ont reçu des propositions multiples pour sceller le sort de l’Antarctique, mais aucune n’a reçu le soutien suffisant à l’installation d’une structure internationale acceptée par les instances décisionnelles de l’ONU. Parmi ces idées, nous notons le découpage du continent austral en zones sous différentes tutelles, un condominium (copropriété de plusieurs Etats), ou encore l’établissement d’un régime de tutelle par les Nations Unies s’appliquant à tout le territoire.

    Quant aux objectifs d’une réglementation internationale, on notait principalement (i) que la paix, la sécurité politique et militaire et un certain ordre juridique soient d’application sur tout le continent, (ii) un certain nombre de services régulés (réglementation des vols au-dessus du continent, météorologie, télécommunications, …), et (iii) que l’utilisation, le partage ou la non-utilisation des ressources soient réglementés et coordonnés (chasse à la baleine, ressources minérales, ressources sous-marines, coordination des recherches scientifiques).

    [3] A savoir, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, le Chili, les États-Unis, la France, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et l’URSS.

    [4] Le préambule du Traité déclare qu’il servira les intentions et principes de la charte des Nations Unies. Plusieurs articles renvoient aux Nations Unies, plus particulièrement à propos de l’implication des organes des Nations Unies dans la recherche scientifique (Article 3) et quant à l’éventualité d’interprétations différentes d’articles du Traité (Article 11).

    [5] Voir une version originale sur www.ats.aq/documents/ats/treaty_original.pdf.

    [9] Michel Savini, « Le système des Nations Unies et le régime de l’Antarctique », in Mélanges à la mémoire de Jean Carroz, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome, 1987, disponible sur www.fao.org/docrep/s5280t/s5280t11.htm.

    [10] Voir les notes sur le site du Secrétariat du Traité de l’Antarctique, disponibles sur www.ats.aq/documents/ATCM34/wp/ATCM34_wp055_f.doc.

    [11] Il regroupe les 5 pays riverains de l’Océan glacial – Russie, Etats-Unis, Canada, Norvège et Danemark – plus la Suède, la Finlande et l’Islande.

    [12] Ainsi, l’ONU consacre « le principe selon lequel toute région non soumise à la compétence nationale d’un Etat doit être considérée comme patrimoine commun de l’humanité », comme l’analyse Michel Savini de la FAO in op. cit. (voir www.fao.org/docrep/s5280t/s5280t11.htm).

    [13] Au cours du 20e siècle et en amont de la Convention, la plupart des Etats sont passés d’une notion d’eaux territoriales de 5 km de la côte à 22 km de la côte. Il en va de même pour les zones économiques exclusives.

    [14] Nous étudierons dans une autre analyse la question de ce Traité inespéré aux effets directs sur les conflits les plus pernicieux de ce monde.

    [15] Dans le dilemme du prisonnier, deux prisonniers sont soupçonnés d’un délit commun et reçoivent individuellement la proposition suivante : s’il avoue le délit et plaide coupable, et par là même dénonce son compagnon, il écope d’une peine plus légère (5 ans) que s’il n’avoue pas (10 ans). Mais si ni l’un ni l’autre n’avouent, ils ne pourront être retenus en prison, faute de preuves suffisantes. La situation la meilleure du point de vue des deux prisonniers est donc de ne rien dire aux gardiens, mais il y a la crainte que l’autre n’avoue… Dans beaucoup de cas et en l’absence d’une relation de confiance, un tel dilemme amène le prisonnier à avouer, car si son compagnon avoue et lui non, c’est lui seulement qui écope de la lourde peine de prison.

    Dans la littérature économique, ce dilemme fictif sert à expliquer l’attitude de méfiance qui entrave la coopération avec les autres acteurs qui sont dans le même bain. Il a notamment été utilisé pour expliquer la course à l’armement de la Guerre froide (si l’autre puissance augmente les effectifs de son armée, je dois le faire aussi).