Le 13 mai 2010

Justice sociale. Un engagement personnel et public aux dimensions planétaires

Qu’est-ce que la justice sociale ? L’expression est surtout utilisée dans les milieux catholiques (notamment dans les « encycliques sociales »). La présente analyse en donne une acception large et englobante. La justice sociale concerne tout le vivre ensemble en société et tend à faire en sorte que chaque personne humaine y soit respectée dans sa dignité et puisse s’y épanouir. L’analyse parcourt très concrètement toute une série de domaines : enseignement, santé, sécurité sociale, logement, culture… La justice sociale relève de la responsabilité de chacun, comme des pouvoirs publics. Elle est le fruit d’un combat – dont quelques étapes sont rappelées – et qui doit toujours continuer. Elle a une dimension mondiale et comprend aussi la sauvegarde de la planète.
 

Qu’entendons-nous lorsque nous parlons de justice sociale ?  L’expression est relativement récente et s’est développée plus particulièrement dans les milieux catholiques depuis l’encyclique sociale du Pape Pie XI, Quadragesimo anno (1931)[1]. Dans Le nouveau théo[2], on peut lire ceci : « La justice appliquée au domaine économique est ce qu’on appelle la justice sociale » (p. 898a). Et l’auteur de l’article d’ajouter : « Dans la doctrine chrétienne, elle exprime une exigence fondamentale, celle de la participation harmonieuse de tous les hommes aux richesses économiques que Dieu a mises à la disposition de tous » (p. 898a).

Cette définition et la précision qui l’accompagne sur ses perspectives chrétiennes sont intéressantes pour  orienter notre « vivre ensemble » dans la société. Mais il serait bon de se mettre au clair sur ce que nous entendons par le « domaine économique ». Concevons-nous celui-ci de façon restreinte, en le limitant à ce qui peut s’estimer en monnaie – euros ou dollars…  Ou bien de façon large, en nous interrogeant, par exemple, sur l’accès de tous à un enseignement de qualité ou sur la justesse ou non de la mixité sociale dans les écoles en vue d’un vivre ensemble général plus juste…  Adopter cette perspective plus large ne serait-ce pas plus « juste »[3], parce que rencontrant davantage les évolutions de notre humanité ? 

Une distinction classique : justice commutative et justice distributive[4]
 

Aucune personne humaine ne vit seule. C’est un fait, c’est aussi une nécessité pour exister, pour se construire (que serions-nous sans les autres ?)… Nous sommes en relations – proches ou lointaines – avec d’autres. Dans la plupart de ces relations, sinon toutes, il y a « échange ». Cet échange est-il « juste », respectant chacune des personnes qui participent à l’échange, attribuant à chacune d’elles ce qui lui est « dû » ?  On parlera alors de « justice commutative » : ensemble de règles de conduite qui, dans l’échange, assurent l’égalité ou l’équivalence entre ce qui de part et d’autre est donné et reçu – les personnes étant considérées comme étant (en principe) égales dans l’échange. On pourrait dire : « à chacun selon ses prestations », avec les expressions du langage courant « tout travail mérite (juste) salaire », « en avoir pour son argent »… De cette justice (commutative) dans les échanges, les individus sont certes les premiers artisans (et il faut faire appel au sens de la justice de chacun). Mais les instances publiques ont également leurs responsabilités à prendre : l’égalité de principe entre les acteurs de l’échange existe rarement, l’autorégulation proclamée par certains acteurs est très rarement effective. Il entre dans les missions des pouvoirs publics de veiller à une régulation adéquate et effective qui assure la justice (qu’il s’agisse des conditions de travail, des salaires, de la protection des consommateurs…).

Les relations se passent entre des personnes qui, comme êtres humains, ont le droit fondamental de vivre dignement, quelle que soit la contribution qu’elles peuvent effectivement apporter à la construction de la société (locale, voire mondiale) dont elles sont membres. Ce qui est en jeu ici, c’est la solidarité entre les humains. On parlera, dans ce cas, de « justice distributive » : ensemble de règles de conduite qui, dans la société, assure à chacun ce qui lui revient pour satisfaire ses besoins réels (fondamentaux) dans la perspective du bien commun[5]. On pourrait dire : « à chacun selon ses besoins ». Pour réaliser une telle solidarité, les instances publiques ont évidemment une responsabilité majeure à prendre (songeons à la mise en place d’un système de sécurité sociale valable), mais tous les membres de la société ont également leur responsabilité, en contribuant à la solidarité proportionnellement à leurs disponibilités réelles – ce qui justifie un impôt progressif (dont le taux augmente au fur et à mesure que le revenu s’accroît)[6]. On retrouve ici l’expression célèbre : « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins ». Bien entendu, pour que justice (ici distributive) se fasse, chacun doit jouer le jeu, sans abus ni tricherie, de quelque nature que ce soit…

La justice sociale, elle se construit, non sans luttes…
 

Il faut bien le constater, faire progresser la justice rencontre de nombreuses résistances et les avancées pour un monde plus juste sont le résultat de luttes, parfois âpres et même sanglantes.

Pour ne parler que de la Belgique, souvenons-nous que le XIXè siècle – le siècle de la révolution industrielle – connaît une expansion économique considérable, mais qui ne profite qu’à une faible partie de la population. Il voit l’apogée du « libéralisme économique et social », qui redoute et combat toute régulation parce qu’elle porterait atteinte au principe de la liberté, alors que nombre de familles ouvrières connaissent des conditions de travail et de vie misérables et que l’ouvrier est très souvent traité comme un suspect[7].

Ainsi, lors des débats sur une loi limitant le travail des enfants, entend-on un Frère-Orban (libéral) affirmer : « Une loi sur le travail des enfants, c’est une loi qui destitue en masse de la tutelle naturelle et légitime de leurs enfants les pères de famille des classes laborieuses » et un Simonis (catholique) déclarer : « Nous nous engagerions sur la pente doublement fatale de la réglementation et de l’instruction obligatoire »[8]. En 1878, la Chambre adopte néanmoins une loi fixant à 12 ans pour les garçons (13 ans pour les filles) l’âge d’admission au travail dans les mines !

C’est en 1866 (loi du 31 mai) que l’interdiction de la « coalition » est supprimée, permettant à des travailleurs de se syndiquer, mais il faudra attendre 55 ans pour que la loi (31 mai 1921) abroge l’article 310 du code pénal qui permettait de condamner les grévistes « pour atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail ».

Ce sont précisément les grèves, souvent durement réprimées (en particulier celles de 1886 – plus de 20 morts), qui ont forcé les gouvernements à opérer petit à petit (entre 1886 et 1914) des réformes portant sur les rémunérations et sur les conditions de travail.

Ce n’est pas sans luttes non plus que, dans la deuxième partie du XIX siècle, des associations de travailleurs se constituent (la plupart du temps sur base professionnelle), puis se regroupent progressivement (selon des orientations idéologiques) dans ce que sont aujourd’hui les trois grands syndicats belges : CSC, FGTB, CGSLB[9].

Repères historiques des avancées sociales en Belgique
 

1830 : Instauration en Belgique du droit de vote (censitaire et capacitaire, c’est-à-dire réservé aux hommes s’acquittant d’un impôt suffisamment élevé ou exerçant des fonctions importantes ou ayant un diplôme)

1850 : Création de la Banque Nationale

1865 : Création de la Caisse d’épargne

1866 : Révision du code pénal : suppression des articles interdisant les coalitions mais introduction de l’article 310 réprimant sévèrement la grève

1878 : L’âge requis pour travailler dans les mines est fixé à 12 ans pour les garçons et 13 ans pour les filles

1892 : Création du Conseil supérieur du Travail

1893 : Grève générale (11 morts). Adoption du suffrage « universel », tempéré par le vote plural. L’obligation de vote est d’application en Belgique

1898 : Constitution de la Commission syndicale (socialiste)

1912 : Constitution de la Confédération générale des syndicats chrétiens et libres de Belgique

1914 : La loi sur l’instruction gratuite et obligatoire de 6 à 14 ans est promulguée

1919 : Suffrage universel pur et simple (un homme, une voix). L’âge requis pour voter est ramené de 25 à 21 ans.

1921 : La loi du 24 mai 1921 abroge l’article 310 du code pénal – Loi sur la liberté d’association

1930 : Instauration des allocations familiales

1930 : Constitution de la Centrale nationale des syndicats libéraux

1936 : Grève générale – Instauration des congés payés – Première conférence nationale du travail

1944 : Signature du Pacte social (projet d’accord de solidarité sociale, entre les partenaires sociaux, base de la sécurité et de la concertation sociales)

1948 : Droit de vote accordé aux femmes

1952 : Création du conseil national du travail

1955 : Instauration de la semaine de 5 jours

1960-1961 : Grande grève générale de l’hiver 60-61 et manifestation contre la Loi Unique

1966 : Grève des ouvrières à la FN (Fabrique Nationale d’armes de guerre), « A travail égal, salaire égal ! »

1967 : Arrêt de la cour de cassation : la grève ne constitue pas un acte équipollent à rupture de contrat

1968 : Manifestations étudiantes et grèves générales – Scission de l’Université Catholique de Louvain

1976 : Instauration du système de prépension

1981 : Chaque citoyen (hommes et femmes) de 18 ans ou plus a droit à une voix, à condition qu’il soit belge. Les étrangers n’ont pas le droit de vote pour les élections législatives – Législation sur le temps partiel

1983 : Le droit de grève est affirmé de façon explicite par l’approbation du Pacte international (ONU) relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

1990 : Approbation de la Charte sociale européenne

2001 : Réduction légale du temps de travail à 38h

2004 : Étrangers non européens : droit de vote aux Communales (si domiciliés depuis 5 ans)

De ce bref rappel historique nous pouvons déjà tirer deux conclusions à propos de la construction de la justice. Tout d’abord, l’importance de l’engagement déterminé, un engagement personnel et collectif, un engagement qui n’hésite pas à rencontrer les conflits, qui ne craint pas la lutte. Ensuite, l’importance d’un engagement persévérant dans la durée : l’expérience de l’histoire montre que rien n’est jamais définitivement acquis, non seulement parce que des situations nouvelles surgissent réclamant des solutions nouvelles, mais aussi parce que des intérêts particuliers réapparaissent sans cesse qui n’ont pas nécessairement en vue le bien de tous.

Sur le plan politique, l’introduction du suffrage universel – un des éléments clés pour une société juste – est également le résultat de nombreuses luttes. En font foi des manifestations qui firent morts et blessés[10], avant que – au terme de nombreux débats parlementaires – le suffrage universel ne soit instauré en 1919, mais pour les hommes seulement – le suffrage universel ne sera étendu aux femmes qu’après la 2e guerre mondiale (en 1948).

Les avancées de la justice sociale concernent bien sûr les conditions de travail. Énumérons plus particulièrement : salaire[11] ; durée du temps de travail (journalier, hebdomadaire…) ; préavis ; sécurité et hygiène ; allocations de chômage et indemnités maladie-invalidité ; congés payés ; congés de maternité et parental ; égalité homme/femme au travail; non discrimination à l’embauche ; crédit d’heures (formation), etc. Tout cela s’est réalisé progressivement et continue à se réaliser. Certains parlent de droits acquis (parfois avec un ton condescendant), il faudrait parler de droits conquis, à propos desquels il importe de percevoir avec attention et rigueur leur bien-fondé – dans la perspective du « bien commun » – avant d’envisager leur remise en cause… Car il s’agit bien d’avancées qui ont été obtenues au terme de longues discussions parfois conflictuelles. Discussions au sein d’entreprises particulières dans certains cas, au niveau sectoriel et au niveau intersectoriel[12] le plus souvent, aboutissant à des conventions collectives. La Belgique a une longue tradition de concertation sociale entre partenaires sociaux (travailleurs-employeurs), qui s’exerce notamment au Conseil National du Travail, organe consultatif dont les décisions ont néanmoins quasi force de loi[13].

… en bien des domaines
 

La justice sociale ne se construit pas que dans le domaine du travail. L’enseignement, la santé, la sécurité sociale, le logement, l’usage de la langue, l’égalité homme-femme, la liberté religieuse et convictionnelle… sont autant de domaines ou questions qui mettent en jeu des droits humains fondamentaux. Ici encore, les avancées se sont faites progressivement, non sans se heurter à des réticences, voire des oppositions.

Ainsi, en ce qui concerne l’enseignement, faut-il attendre 1914 pour que la loi institue un enseignement primaire obligatoire et gratuit pour les enfants âgés de 6 à 14 ans. Les débats sur l’école publique et confessionnelle – et la liberté de choix des parents – ont durant près d’un siècle donné lieu à une sorte de guerre scolaire, qui se termine par la conclusion d’un pacte scolaire en 1958/59. Et on sait qu’aujourd’hui encore nous avons à rencontrer des questions qui, pour difficiles qu’elles soient, requièrent des réponses équitables : mixité sociale, enseignement de qualité pour tous, accès à l’enseignement supérieur et universitaire…[14]

Au début du XXe siècle, l’accès aux soins de santé était difficile pour beaucoup. Depuis lors la Belgique s’est donné un système d’assurance soins de santé qui, depuis les années 1945, en est progressivement arrivé à couvrir pratiquement toute la population. Un système de qualité et efficace[15], mais qui risque d’être mis à mal si nous manquons de solidarité…[16]

Il en va de même pour la sécurité sociale au sens large. Celle-ci représente un ensemble complexe qui s’est construit pendant des dizaines d’années, essentiellement à partir de la fin du XIXe siècle, et dont les bases du système actuel ont été établies lors des accords sociaux de 1944[17]. Outre le système d’assurance soins de santé qui intervient dans les frais médicaux, le système belge de sécurité sociale comporte plusieurs secteurs : pensions ; allocations familiales ; assurance chômage et indemnisation des formes d’aménagement du temps de travail ; accidents de travail et maladies professionnelles ; assurances indemnités en cas de maladie-invalidité (revenus de remplacement) ; vacances annuelles. Le financement de ces secteurs et la couverture des risques ou des besoins sont, bien sûr, complexes. Dans une société toujours en évolution (démographie, conception du bien-être, etc.), les solutions à trouver ne sont pas que d’ordre technique, elle engagent la justice distributive qui doit avoir en vue le bien commun, autrement dit le bien de tous, en particulier de ceux et celles qui risquent d’être laissés à la marge de la société[18].

Fondamentalement, la sécurité sociale répond aux exigences de la justice sociale : elle permet de rencontrer les besoins vitaux des hommes et femmes d’un pays ; elle fonde un vivre ensemble ; elle repose sur la solidarité.

À la fin des années 70, un courant de pensée néo-libéral a remis en cause la conception des modèles sociaux qui s’étaient construits au lendemain de la deuxième guerre mondiale, en mettant notamment en avant une « conception positive de l’individu par rapport aux corps intermédiaires jugés responsables de détournement de l’intérêt général au profit d’intérêts corporatistes » ainsi qu’une « conception positive de la responsabilité individuelle par rapport aux valeurs de solidarité » et une « conception positive d’un État social sélectif qui limiterait ses interventions à l’assistance des personnes les plus défavorisées, par rapport à l’universalité de la sécurité sociale »[19]. Si cette pensée n’a pas prévalu comme telle en Belgique, elle marque les esprits. On a beaucoup parlé du projet d’État social actif, en mettant par exemple «  la sécurité sociale au service des politiques d’emploi » alors que, auparavant, « on mettait les politiques d’emploi au service de la protection sociale à travers les politiques macro-économiques, budgétaires et monétaires »[20]. Tout ceci ne nous inviterait-il pas à réfléchir, à nouveau, au modèle économique et social que nous voulons pour demain selon nos perspectives de justice sociale ?[21]

Il faudrait encore parler du logement. Le droit à un logement décent figure dans la Constitution belge (article 23). Ceci pose aussi des questions de justice qui mettent en jeu tant l’initiative de chacun que les politiques décidées aux divers niveaux de pouvoir[22].

Ne laissons pas non plus de côté l’usage de la langue maternelle. Souvenons-nous que la Belgique de 1830 ne reconnaissait pas au flamand la place à laquelle cette langue avait droit. Une situation injuste contre laquelle le mouvement flamand a dû mener une longue lutte. Ainsi, la promesse faite en 1918 de flamandiser l’université de Gand ne se réalisera qu’en 1930[23]. Si la reconnaissance de la langue n’est pas seule en cause dans le contentieux entre Flamands et Wallons (les situations sociales et économiques en sont également des éléments), elle en a été sûrement un élément important, avec les répercussions qu’on peut percevoir en bien d’autres domaines qui concernent le vivre ensemble et où se posent des questions de justice difficiles[24]. Et on sait combien cruciales sont les questions communautaires qui concernent le vivre ensemble en Belgique.

La liste est donc longue des points qui doivent être pris en compte si on veut construire une société juste, où les relations « sociales » répondent aux exigences de la justice. Et elle n’est pas close. Il y a encore la question – transversale pourrait-on dire, car elle recoupe bien des domaines – du Genre, de l’égalité entre hommes et femmes : cette égalité, il a fallu du temps pour qu’elle soit reconnue (droit de vote en 1948, égalité juridique en 1958). Et on sait que, si l’égalité de traitement pour les rémunérations des hommes et des femmes est de rigueur, l’accès aux responsabilités (dans la sphère économique comme dans la sphère politique) peut encore s’avérer plus difficile si on est une femme… malgré les progrès réalisés.

Autre domaine qui requiert de plus en plus notre attention : nous vivons dans un monde multiculturel et multiconvictionnel. Ici encore, le défi est de taille : comment reconnaître et respecter les cultures et les convictions des autres, leur donner place dans l’espace public, en ayant pour visée un vivre ensemble en paix où les droits humains fondamentaux sont respectés et promus.

… jusqu’au niveau planétaire
 

Élargissons notre horizon. Nous ne vivons pas sur un territoire isolé, clos sur lui-même. Les interdépendances entre pays, régions sont manifestes. C’est un fait. La question n’est pas de refuser la mondialisation, mais, avec le souci de l’éthique, de l’orienter selon la justice, de façon effectivement solidaire.

Conjointement à cette mondialisation deux phénomènes majeurs vont marquer la première moitié du XXIe siècle : les migrations et l’évolution de l’environnement. Même s’ils s’enracinent dans le XXe siècle, ils prendront probablement une ampleur telle qu’ils susciteront des changements profonds, des mutations, dans nos sociétés.

Depuis des années, nous parlons du « développement du monde ». Le voyant comme une exigence de justice, de solidarité, de paix[25].

Bien des promesses ont été faites : ainsi, le fameux objectif 0,7% du PNB que chaque année les  pays développés devraient consacrer à l’aide  publique au développement (APD) des pays du Tiers Monde[26]. En Belgique, ce taux était en 2009 de 0,55 (0,48 en 2008, 0,37 en 2001), mais le gouvernement s’engage à l’atteindre en 2010[27]. À titre de comparaison, l’aide des Pays-Bas s’élève en 2009 à 0,82%, celle du Luxembourg à 0,88%.

Dans le prolongement de leur déclaration du Millénaire (8 septembre 2000)[28], les États membres de l’ONU ont convenu de se donner huit objectifs pour le développement (OMD) à atteindre avant 2015[29] Mais, comme le dit le secrétaire général du Comité d’Aide au Développement, «  à cinq ans de l’échéance fixée pour la concrétisation à l’échelle mondiale des OMD, il reste beaucoup à faire »[30].

Les disparités économiques et sociales entre les diverses régions du monde – pour faire bref, le Nord et le Sud de la planète – ont immanquablement pour effet l’accentuation des flux migratoires. À cet égard, certains – notamment en Europe – s’imaginent que les pays « riches » pourraient élever des barrières qui les arrêteraient. C’est une illusion, c’est ignorer les pressions démographiques de populations qui ne trouveraient pas chez elles de quoi vivre ou même survivre. C’est aussi une atteinte à la justice sociale, dans la mesure où il y aurait de la part des pays riches un déni de partage équitable des ressources de cette terre qui doivent normalement servir au bien de tous ses habitants. Bien sûr, le problème est complexe et immense. Réclamant d’autant plus l’attention de tous, du citoyen lambda aux responsables économiques, sociaux, politiques, à tous les niveaux[31].

En outre, depuis quelques années nous prenons conscience que le développement mondial, le développement des peuples, prend une dimension beaucoup plus vaste : si nous voulons établir un monde de justice, nous devons respecter notre terre. C’est toute la question de l’environnement, du développement durable (qui figure d’ailleurs dans les Objectifs du Millénaire pour le développement). Ceci concerne la vie de beaucoup de nos contemporains mais aussi celle des générations futures qui hériteront de ce qui se fait aujourd’hui (en bien comme en mal)… Et, qu’il s’agisse de l’exploitation excessive des ressources naturelles, de l’aménagement inconsidéré du territoire ou des conséquences des changements climatiques, on constate que ce sont habituellement les plus pauvres et les plus démunis qui en souffrent le plus. Tout ceci étant à considérer avec des perspectives de long terme, en prenant en compte les multiples incidences, comme par exemple les migrations dites « de l’environnement »… 

Certains font remarquer que les problèmes de la sauvegarde et du respect de la planète nous invitent aussi à nous interroger à neuf sur le « sens » de ce respect : Comme le rappellent souvent les peuples indigènes à propos de la terre mère, c’est aussi pour elle-même que la terre mérite respect, pas uniquement comme ressource dont les humains ont besoin pour vivre.  À cet égard, voici une réflexion de Jacques Haers qui donne à penser : « … l’être humain s’est comme détaché de son environnement et considère celui-ci comme un objet hors de lui, quelque chose de différent sur lequel on peut agir à son bon plaisir. Il faut réapprendre l’importance de l’environnement comme condition d’existence de l’être humain, ainsi que réapprendre qu’on ne peut pas détacher cet être humain de l’ensemble de la planète, de la nature, de l’univers, de la création. L’être humain est certes un être très spécial, doté de cette capacité de distance qui lui permet de penser. Mais nous découvrons que ce serait une erreur de considérer cette spécificité comme quelque chose qui détacherait l’être humain de son contexte. Au contraire, il faudrait presque dire que l’être humain est une possibilité que la nature se donne à elle-même afin de développer plus fortement sa capacité à la vie – il se pourrait que pour permettre à la vie de survivre sur ou à partir d’une planète telle que la terre, il faille cette capacité de recul que la nature se donne dans l’être humain. Donc, quand l’être humain pense, ce n’est pas lui qui pense pour lui-même, mais c’est la planète entière qui se pense en lui »[32]. Les chrétiens peuvent se souvenir de la réflexion de Saint Paul : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : […] avec l’espérance d’être elle aussi  libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu »[33].

En bien des domaines… jusqu’au niveau planétaire !  Voici une autre conclusion qu’il nous faut tirer : la justice sociale ne se cantonne pas à quelques problèmes ou domaines précis. Elle concerne tout le vivre ensemble dans la société et aujourd’hui la société a une dimension planétaire. À certains moments, certains problèmes retiennent davantage l’attention et trouvent des solutions satisfaisantes (même si toujours à préserver et à parfaire, songeons à la sécurité sociale en Belgique). À d’autres moments, des situations jusqu’alors ignorées ou mal perçues ou même tout à fait nouvelles commencent à attirer notre attention (songeons aux changements climatiques et à leurs répercussions) : il s’agit alors de les analyser avec rigueur, dans une perspective de long terme. En ayant une visée éthique qui veille à s’approfondir, car des situations nouvelles – comme les avancées de nos connaissances en biologie – peuvent aider à mieux enraciner les questions de sens, autrement dit la recherche philosophique ou religieuse

Bien sûr, comme individus, voire comme groupes, nous ne pouvons pas tout traiter à la fois. Nous avons dès lors à choisir des situations ou questions qui nous paraissent importantes et auxquelles nous consacrerons davantage notre attention. Mais il importe que nous restions ouverts à l’ampleur du champ que couvre la justice sociale et que nous soutenions tous ceux et celles qui s’attachent à en explorer les divers aspects pour faire advenir une société, un monde plus « juste ».

Annexes
 

Tableau : Répartition du revenu total net imposable, de l’impôt total

et du taux moyen d’imposition

Belgique – Exercice 2007 (nombre total des déclarations : 5.991.864)

Ce tableau indique que les 10% des déclarations des revenus les plus faibles (moins de 4.579€) disposent de 0,66% du total des revenus et ne paient pas d’impôt. Le 1% des déclarations des revenus les plus élevés (au-delà de 110.971€) disposent de 7,70% du total des revenus et paient 11,7% des impôts (avec un taux moyen d’imposition s’élevant à 35,40% de leurs revenus).

On note par ailleurs que l’inégalité du revenu s’est accrue entre 1990 et 2007, le coefficient de Gini passant de 0,246 à 0,319 (revenu avant impôt) et de 0,312 à 0,384  (revenu après impôt) – D’après le coefficient de Gini : dans le cas d’une égalité parfaite, ce coefficient est égal à 0 ; un bas coefficient indique une distribution plus égalitaire du revenu.

Source : http://statbel.fgov.be/fr/binaries/revenus%20brochure%20B%20exercice%202007_tcm326-78903.pdf (p. 6)

Sécurité sociale en Belgique : les pensions – Quelques questions à se poser

I. Diversité des régimes de pensions « légales » – questions de justice

Le système des pensions légales est complexe. Il compte 3 régimes : salariés (S), indépendants (I), secteur public (P). Pour des raisons historiques, les modes de calcul de la pension varient selon les régimes, même s’ils se basent fondamentalement sur la durée de la carrière et les revenus professionnels (ainsi que sur la situation familiale, sauf pour le régime P). Comme, les personnes bénéficiant de la retraite peuvent avoir mené des carrières mixtes (S / I / P), on comprend que dans ce cas le calcul de la pension est encore plus complexe…[34]

Au 1er janvier 2008, 52,5% des 1.427.296 pensionnés perçoivent une pension pure de salarié (S), 6% ont une pension pure d’indépendant (I), 14% une pension pure du secteur public (P) – les autres 27,5% ayant des pensions mixtes correspondant à des carrières mixtes (S / I / P).

Les membres du secteur public (pur) bénéficient des pensions les plus élevées (en moyenne, 2.400€ pour les hommes [H], 2.000€ pour les femmes [F]) ; ceux du secteur salarié (pur) bénéficient de pensions moindres (en moyenne 1.111€ [H] et 634€ [F]) ; ceux du secteur indépendant (pur) ont des moyennes moindres encore (804€ [H] et 305€ {[F]). Ces différences s’expliquent principalement par le fait que les pensions du secteur public, considérées comme un salaire différé, se calculent sur la base des rémunérations des cinq dernières années de la carrière (habituellement plus élevées), alors que celles des autres régimes (S et I) se calculent sur base de l’ensemble des salaires ou revenus professionnels de la carrière (qui, en outre, n’est pas toujours complète, avec l’incidence que cela a sur les moyennes).

Questions à se poser (avec des enjeux de « justice sociale »)

Ces disparités sont-elle « justifiées » ?  Elles tiennent pour une part à des raisons historiques. Ainsi, dans le passé, devenir ‘indépendant’ c’était choisir d’être libre dans l’exercice de sa profession, mais aussi assumer librement la couverture de ses besoins, ceux de la santé comme ceux de la retraite… en recourant éventuellement à des assurances libres. Par contre, entrer dans le ‘secteur public’ c’était considéré comme obtenir un emploi peut-être modestement rémunéré mais stable, avec une pension qui resterait en rapport avec la rémunération reçue en fin de carrière. Avec le temps, au vu de l’expérience, des décisions ont été prises sur le plan politique pour assurer aux citoyens une protection sociale réglementée, qui ne soit pas simplement laissée à leur libre volonté, en établissant par exemple un système de cotisations obligatoires…

Pour apprécier, selon la justice, ce qu’il convient de faire légalement dans le domaine des pensions, il faut sans doute tenir compte des cotisations réellement versées, mais il importe également de donner toute sa place à la solidarité de manière telle que la dignité humaine soit respectée.

À cet égard, en ce qui concerne les indépendants, la politique des dernières années vise à relever le niveau des pensions minimum (après une carrière complète). Ainsi, au 1er juillet 2008, la pension ‘ménage’ était au minimum de 1.125,21€ pour les indépendants (1.195,21 pour les salariés) et la pension ‘isolé’ était de 846,87€ pour les indépendants (941,43 pour les salariés)[35].

Par delà la problématique des pensions, nous sommes renvoyés à celle des ressources nécessaires pour mener une vie digne[36] – ressources qui ne sont d’ailleurs pas que monétaires.

II. L’avenir des pensions – questions de justice

Comment assurer le futur des pensions ?  Pour traiter cette question, rappelons qu’on se réfère actuellement en Belgique à trois piliers : 1. Pensions légales ; 2. Assurances groupes ; 3. Assurance et épargne pension.

Certains estiment que, pour résoudre le problème du financement des pensions (corrélatif au vieillissement de la population), il faudrait retarder l’âge légal de la mise à la retraite (actuellement 65 ans pour les hommes et les femmes) et promouvoir les piliers 2 et 3[37].

Questions à se poser (avec des enjeux de « justice sociale »)

Tout d’abord, en ce qui concerne le financement des pensions, il est utile de rappeler qu’on peut recourir à deux grands systèmes : le système par capitalisation, le système par répartition.

Dans le système par capitalisation, les versements (obligatoires) effectués par les travailleurs comme ceux effectués par les employeurs (auxquels s’ajoute éventuellement une contribution de l’État) sont « capitalisés » par une caisse d’épargne et de retraite et vont plus tard servir une rente de vieillesse à l’âge de la retraite. Dans le système par répartition, les prélèvements obligatoires effectués par les actifs d’aujourd’hui sont « redistribués » aux pensionnés d’aujourd’hui et c’est par les actifs de demain que leur propre retraite sera assurée.

Le premier système, auquel on avait recours au début de l’instauration des retraites, a montré ses limites : la dépréciation de la monnaie et les risques rencontrés dans la gestion des organismes d’assurance notamment ont conduit à lui préférer le deuxième, qui permet en outre de mettre davantage en œuvre la solidarité avec toutes les personnes qui ont droit à vivre leur vieillesse dans la dignité[38]. Dans une perspective de justice sociale, il serait même normal que la solidarité se manifeste entre tous les citoyens et que le financement des pensions s’appuie non seulement sur les cotisations des actifs (dont le pourcentage dans la population total peut diminuer) mais également sur les contributions de tous les citoyens (selon leur niveau réel de revenu)[39]. C’est dire la légitimité et la nécessité de l’intervention de l’État, au service de l’intérêt de tous.

I. Retarder l’âge de la mise à la retraite ?

Le nombre des personnes sans emploi est très important (en particulier parmi les jeunes). Ne faudrait-il pas commencer par les remettre au travail ?  Cela  permettrait d’augmenter les recettes (cotisations sociales, impôt…) et  de respecter le droit au travail (et le droit à la dignité qui y correspond).

Le nombre des personnes qui prennent plus tôt leur retraite ou qui bénéficient d’une préretraite est important. Est-ce « justifié » ? Et, en tout ceci, ne serait-il pas juste de tenir compte de la pénibilité des tâches prestées ?

II. Promouvoir les piliers 2 et 3 ? 

1. Pensions légales

On a vu plus haut que le montant des pensions varie selon les régimes ‘salariés’, ‘indépendants’, ‘secteur public’. Il dépend fondamentalement de la durée de la carrière (on compte en 1/45e, car la durée d’une carrière complète est fixée à 45 ans) et des revenus professionnels. Pour les indépendants et les salariés, on prend actuellement en compte la situation familiale : par exemple, en ce qui concerne le travailleurs salarié du secteur privé, le « taux de remplacement » est de 60% de la rémunération pour un isolé et de 75% pour un ménage dont un des membres n’a pas travaillé (ou a cessé de travailler avant la retraite sans recevoir d’indemnités ou ne dispose que d’une très petite pension).

Le financement des pensions légales est assuré par les cotisations sociales ainsi que par des subventions de l’État. On constate que, en ce qui concerne le financement de l’ensemble de la sécurité sociale[40] (régime des salariés), la part de l’État a considérablement diminué depuis 1960 : 10,4% en 2005 contre 24,3% en 1960. Ceci signifie que la solidarité par l’impôt joue aujourd’hui moins qu’auparavant.

2. Assurances groupes et fonds de pensions

Le financement se fait par des primes payées par l’entreprise. Ceci veut dire que, si des entreprises ou des secteurs plus faibles sont moins capables de les payer, leurs travailleurs risquent de ne pas bénéficier de ce pilier. En outre, la pérennité du système dépend de la solidité financière des fonds de pensions.

3. Assurance et épargne pension

Le financement est réalisé par le particulier. Cela signifie que seules les personnes ayant un revenu suffisant peuvent se permettre une épargne pension. Quant à la pérennité du système, elle dépend aussi de la solidité des sociétés d’assurance.

4. Une conclusion : la question se pose dans la perspective de la justice sociale : ne faut-il pas veiller à sauvegarder le premier pilier (qui tend à couvrir l’ensemble de la population), en veillant à son financement  correct par l’État (solidarité de tous via l’impôt) ?

Une autre question : les montants de la pension légale. Ils sont liés à l’évolution de l’index. La question se pose de son lien avec l’évolution du « bien être »[41]. Selon une étude publiée en février 2009, « la pension minimum de travailleurs salariés est de 975,60 euros au taux isolé, 1.219,11 au taux ménage ». On peut se demander si c’est suffisant ou non pour vivre[42].

Notes :

  • [1] Voir Jean-Yves Calvez et Jacques Perrin, Église et société économique (L’enseignement social des Papes de Léon XIII à Pie XII), Paris, Aubier, coll. Théologie 40, 1961, pp. 192-203 et pp. 543-567. Jean-Yves Calvez, Église et société économique, tome 2 (L’enseignement social de Jean XXIII), Paris, Aubier, coll. Théologie 55, 1963, pp. 117-123.

    [2] Le nouveau théo, l’encyclopédie catholique pour tous, Paris, Mame, 2009.

    [3] Le mot « juste » est riche de sens, renvoyant tant à ‘justesse’ qu’à ‘justice’. Justesse : cette qualité qui fait qu’une réalité est pleinement adaptée, appropriée à sa destination (« Dans votre intervention, vous avez eu le ton juste », dira-t-on). Quand, dans la Bible, il est dit que Dieu est juste, cela ne signifie pas seulement qu’il « juge avec justice » sans faire acception des personnes, etc., mais également qu’il agit « avec miséricorde ». Pas l’un sans l’autre. Il en est ainsi, pourrait-on dire, parce qu’il est pleinement lui-même, agissant en accord plénier avec ce qu’il est en plénitude… Cette façon de voir donne à penser sur ce qu’est la justice ou sur ce qu’elle pourrait/devrait être…

    [4] Cette distinction se retrouve principalement chez des penseurs et moralistes de mouvance catholique. Cf. Jean Porter, article « Justice » dans Dictionnaire critique de théologie (dir. Jean-Yves Lacoste), Paris, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige, 2007, pp. 743-745. Voir aussi les ouvrages de Jean-Yves Calvez cités en note 1. On trouve un exposé sommaire de la pensée sociale de l’Église catholique dans le Catéchisme de l’Église catholique ((Fidélité/Racine, 1998, avec Index et Guide de lecture, n° 1928-1948 et 2401-2463). On peut également se référer à une synthèse assez exhaustive, établie par le Conseil pontifical Justice et Paix sous le titre de Compendium de la doctrine sociale de l’Église (Namur, Fidélité, 2005, 530 pages, dont un index de quelque 190 pages).

    [5] Cette définition diffère quelque peu de celle, classiquement tenue, de Thomas d’Aquin (dans le prolongement d’Aristote) : « La justice distributive est constituée des règles selon lesquelles la société distribue récompenses et châtiments et impose des obligations à ses membres » (Jean Porter, art. cit., p. 742).

    [6] Actuellement, en Belgique, le taux d’imposition le plus élevé est de 50% : pour les tranches de revenu supérieures à 34.330 euros. En annexe on trouvera un tableau donnant la répartition du revenu total net imposable et de l’impôt total. Il amène à réfléchir aux disparités de revenus et à la question des ressources suffisantes pour une vie décente. En ce qui concerne ce dernier point, on peut noter que, en septembre 2008, le revenu d’intégration sociale (RIS) s’élevait à 474€ pour un co-habitant, 711 pour un isolé, 948 pour une famille monoparentale avec enfant(s) (voir le site : http://www.luttepauvrete.be/chiffres_revenu_integration.htm).

    [7] Les titres des deux premiers tomes de la magistrale Histoire du mouvement ouvrier en Belgiquesont très évocateurs : La condition ouvrière au XIXe siècle : 1 L’ouvrier objet ; 2 L’ouvrier suspect(Jean Neuville, Bruxelles, Ed. Vie ouvrière, 1976 et 1977).

    [8] Interventions à la Chambre des 19 janvier 1869 et 19 février 1878 – citées dans Xavier Mabille, Histoire politique de la Belgique, Bruxelles, CRISP, 1997, p. 155.

    [9] 1898 : Commission syndicale (devenue Fédération Générale du Travail de Belgique / FGTB en 1945) ; 1912 : Confédération [générale] des Syndicats Chrétiens (CSC) ; 1930 : Centrale nationale des Syndicats libéraux de Belgique (devenue Centrale Générale des Syndicats Libéraux de Belgique / CGSLB en 1939). On connaît le taux élevé de syndicalisation en Belgique, qui donne une assise importante aux syndicats dans la concertation sociale avec les organisations patronales et les pouvoirs publics (cf. les organes paritaires comme le Conseil Central de l’économie et le Conseil National du Travail créés respectivement en 1948 et 1952).

    [10] 1893 : grève générale à l’initiative du POB (Parti ouvrier belge, fondé en 1885) : 11 morts ; adoption du suffrage universel tempéré par le vote plural – 1902 : manifestations suivies d’une grève générale (300.000 grévistes, 9 morts) – 1912 : manifestations (5 morts) – 1913 : grève générale à l’appel du POB (300.000 à 450.000 grévistes, sans incidents graves). Cf. X. Mabille, op. cit., pp. 192, 196-198.

    [11] Outre la question d’une « juste » rémunération des ouvriers et des employés, il y a celle de la « juste » rémunération des dirigeants d’entreprise dont les montants, parfois fabuleux, devraient être « justifiés ». Il en va de même des rémunérations des « grands » sportifs ou des « grandes » stars. Les raisons de l’offre et de la demande ne suffisent pas à tout justifier éthiquement… On retrouve ici le rôle de l’impôt « progressif » (voir plus haut ce qui est dit de la justice distributive) qui doit veiller à ce que chacun contribue de façon juste à la poursuite du bien commun (solidarité, besoins collectifs, etc.). Il importe également de se poser la question (éthique) de l’égalité et des inégalités. Question difficile qui n’est pas sans lien avec celles de l’ordre public et de la paix sociale. Sur la réalité des inégalités de revenus en Belgique, voir le tableau en annexe.

    [13] Voir note 9. Un moment clé dans la mise en place en Belgique d’une concertation sociale forte : les rencontres entre représentants patronaux et ouvriers durant la deuxième guerre mondiale aboutissent à un « projet d’accord de solidarité sociale », qui a non seulement donné force au dialogue social mais également tracé les grandes orientations de la politique sociale des années 1950 jusqu’à nos jours : création du Conseil central de l’économie et des conseils d’entreprise (1948), création du Conseil national du travail (1952), instauration d’un système de sécurité sociale pour les travailleurs salariés) (1944), organisation d’un secteur maladie-invalidité (1945). Cf. X. Mabille, op. cit., pp. 316-317.

    [14] Voir le dossier « L’école, vers un monde plus juste ? » dans la revue EN QUESTION, n° 92 (mars 2010, Centre Avec – www.centreavec.be) et l’étude réalisée par Marie Peltier, L’enseignant et la politique de mixité sociale en Communauté française de Belgique (Centre Avec, décembre 2009, téléchargeable sur le site www.centreavec.be).

    [15] Voir la fiche 16 « Assurance soins de santé » dans Patrick Feltesse et Pierre Reman, Comprendre la sécurité sociale pour la défendre, Couleur livres (et Fondation Travail Université – Formation Education Culture), 2006, pp. 153-162.

    [16] On comprendra aisément que sont ici en jeu tant le paiement de cotisations sociales suffisantes que la maîtrise de la consommation médicale… Voir le Débat 16 « Comment reconnaître et contrer la privatisation de la protection sociale ? », dans Patrick Feltesse et Pierre Reman, op. cit., pp. 163-166. Voir aussi le site http://www.belgium.be/fr/sante/soins_de_sante/services_medicaux/organisation_des_soins/

    [17] Cf. note 13. « L’arrêté-loi du 28.12.1944 institue un régime de sécurité sociale, applicable à {pratiquement} tous les travailleurs salariés » (Aperçu de la sécurité sociale en Belgique, Ministère de la Prévoyance sociale, Études juridiques, 1992, p. 8). Signalons que le droit à la sécurité sociale a été inscrit dans la Constitution belge en 1994 (article 23 qui traite du droit de mener une vie conforme à la dignité de la personne).

    [18] On peut se référer à l’ouvrage déjà cité (note 15) de Patrick Feltesse et Pierre Reman, qui propose des fiches d’informations mais aussi des fiches de questions à débattre avec les réflexions qu’elles requièrent.

    [19] Pierre Reman, « Modèle social : remises en cause et perspectives », in la revue EN QUESTION n° 84, mars 2008, p. 14.

    [20] Ibidem, p. 15.

    [21] Voir, par exemple, le dossier « Notre modèle économique et social : remises en cause et perspectives », in EN QUESTION, n° 84, mars 2008, pp. 13-29 (Centre Avec, rue Maurice Liétart 31/4, 1150 Bruxelles, www.centreavec.be). En annexe, nous proposons des éléments de réflexion à propos des pensions

    [22] Signalons, par exemple, l’étude de Xavier Leroy, Promouvoir l’accès à un habitat décent en Région bruxelloise, Centre Avec, décembre 2007 (http://www.centreavec.be/pages/Pub_etudes_synopsisLeroy.htm). Et, du même auteur, ses réflexions sur les responsabilités du monde politique : Éradiquer la pauvreté ! Quelle volonté politique en Belgique ?, Centre Avec, décembre 2008 / mai 2009 (téléchargeable sur le site : http://www.centreavec.be/pages/Pub_analyses_eradiquerlapauvrete2.htm).

    [23] Voir X. Mabille, op. cit., p. 231. Sur l’évolution de la question flamande et du contentieux Flamands-Wallons, lire notamment les pages 156-160, 198-200, 216-219, 241-242, 324… pour la période qui précède la révision constitutionnelle faisant de la Belgique un État fédéral (1993).

    [24] Songeons aux délicates questions des « transferts » de région à région… À propos desquels entrent en jeu la justice et la solidarité.

    [25] « Le développement est le nouveau nom de la paix », disait Paul VI en 1967 dans son encyclique Populorum Progressio (Le développement des peuples), n° 76-80. En se référant à ce document majeur de la pensée sociale de l’Église catholique, Benoît XVI a publié en 2009 une lettre encyclique Caritas in veritate, sur le développement humain intégral dans la charité et la vérité (Les Éditions Fidélité en ont publié la traduction sous le titre L’amour dans la vérité, avec un « Guide de lecture » et un rappel historique « Du Pape Léon XIII au Pape Jean-Paul II : 115 ans d’enseignement social », Namur, 2009, 165 p.).

    [26] Il y a plus de cinquante ans, en 1958, le Conseil œcuménique des Église faisait pression pour que cette aide publique soit de 1% du Produit National Brut. L’objectif « avait été entériné par l’assemblée générale des Nations Unies (1960)…ainsi que par les membres du Comité d’aide au développement (CAD) ». Mais, en 1970, les Nations Unies ramènent l’objectif à 0,7% ! (Cf. Gérard Viratelle, « Objectif : ‘0,7% du PNB’ », dans L’État du Tiers Monde, Paris, Éd. La Découverte, 1989, p. 221).

    [27] Voir le site http://diplomatie.belgium.be/fr/binaries/note_politique_omd_tcm313-99143.pdf , note politique sur « La Belgique et les Objectifs du Millénaire pour le Développement ».

    [28] On trouvera le texte de la déclaration sur le site http://www.un.org/french/millenaire/ares552f.htm.

    [29] Voici les huit OMD : 1. Réduire l’extrême pauvreté et la faim (de moitié) ; 2. Assurer l’éducation primaire pour tous ; 3. Promouvoir l’égalité et l’autonomisation de la femme ; 4. Réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans (de 2/3) ; 5. Améliorer la santé maternelle (réduire de ¾ le taux de la mortalité maternelle) ; 6. Combattre le Sida, le paludisme et d’autres maladies ; 7. Assurer un environnement durable ; 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

    [30] Voir le site http://puck.sourceoecd.org/upload/4310032etemp.pdf (Coopération pour le développement. Rapport 2010, OCDE).

    [31] Voir l’étude de Pax Christi Wallonie-Bruxelles Géopolitique de la migration, Bruxelles, 2006.

    [32] Jacques Haers, « Les défis climatiques après Copenhague : quelques enjeux.. », dans la revue EN QUESTION, n° 92, mars 2010, p. 6-7. Egalement disponible sur le site du Centre Avec : http://www.centreavec.be/pages/Pub_analyses_lesd%E9fisclimatiques.htm.

    [33] Lettre aux Romains, 8, 19-22.

    [34] Sur ce sujet, voir l’étude de Greet De Vil, Les pensions du premier pilier en Belgique à la veille du vieillissement démographique : une analyse du système actuel et de son adéquation, Bruxelles, Bureau fédéral du Plan, mars 2010 (http://www.plan.fgov.be/admin/uploaded/201004291034070.wp201004_fr.pdf

    [36] Voir les réflexions de Xavier Leroy « Eradiquer la pauvreté ! Quelle volonté politique en Belgique ? », Centre Avec, 2009 (http://www.centreavec.be/analyses/Eradiquer%20la%20pauvret%E9_nouvelleversion.pdf).

    [37] Voir Patrick Feltesse et Pierre Reman, Comprendre la sécurité sociale pour la défendre, Couleur livres, 2006, fiche 19 « L’impact du vieillissement de la population » et le Débat 19 qui y correspond (pp.187-196). Guy Quaden a fait, le 10 avril 2010, un exposé à une Semaine de l’Association belge des institutions de pension « La problématique des pensions dans le contexte du vieillissement et de la crise » (disponible sur le site : http://www.nbb.be/doc/ts/enterprise/speeches/sp20100331Fr.pdf). Il est gouverneur de la Banque nationale.

    [38] Cf Aperçu de la sécurité sociale en Belgique, Ministère de la Prévoyance sociale, Études juridiques, 1992, pp. 141ss.

    [39] Notons qu’un financement prenant appui tant sur les personnes actives (via des cotisations) que sur l’ensemble des citoyens (via l’impôt ou une cotisation sociale généralisée) en appelle à deux principes importants de vie « juste » : la responsabilité et la solidarité.

    [40] Qui déborde le seul domaine des pensions.

    [41] Voir la note de Natascha Van Mechelen, Kristel Bogaerts et Bea Cantillon L’évolution du taux de bien-être de la protection de base en Belgique et dans nos pays frontaliers. Cette note ne traite pas que des pensions (sur le site http://www.belspo.be/belspo/home/publ/pub_ostc/AP/rAP16sum_fr.pdf).

    [42] Voir Paul Palsterman, « Pensions. Les pensions belges sont-elles suffisantes pour vivre ? », in Démocratie, 12 février 2009 (pp. 1-5) et « Pensions. Quel avenir à long terme ? », in Démocratie, 1er février 2009 (pp. 1-5). À signaler, du même auteur, « Pensions. Faut-il relever l’âge de la retraite ? », « Que penser du travail des pensionnés et des pensions de survie ? », in Démocratie, 15 mai et 1er juin 2010. Voir le site www.revue-democratie.be. Sur les niveaux du revenu d’intégration sociale (RIS), voir la note 6.