En Question n°148 - mars 2024

Il renverse les puissants. Portraits de chrétiens contestataires

Couverture de l'épingle

Existe-t-il une opposition de principe entre christianisme et socialisme ? Les auteurs de cet ouvrage stimulant répondent par la négative à cette question. Pas de discours conceptuel ici : les auteurs ont choisi de présenter douze chrétiens du 20e siècle. 5 femmes et 7 hommes qui se sont engagés, au nom de l’Évangile, contre l’impérialisme, le racisme, l’oppression des masses populaires, le consumérisme, les formes d’esclavages modernes, etc. Certains m’étaient déjà connus : Dorothy Day, Desmond Tutu, Gustavo Gutiérrez, Joseph Wresinski. D’autres sont une découverte : Alioune Diop, Fannie Lou Hamer, Charles Plisnier.

Comme le soulignent les auteurs, « les figures présentées dans cet ouvrage soutiennent que suivre Jésus engage à s’attaquer aux racines des problèmes sociaux, et non à traiter de leurs seuls symptômes » (p. 19). Elles ont toutes remis en cause l’ordre social établi qui engendre inégalités et souffrances et, par-là, empêche l’avènement de la communion à laquelle l’Évangile nous convoque.

La vie et la pensée de ces « Douze » illustrent comment l’Évangile a le pouvoir d’orienter la révolution vers une société réconciliée, les rapports de domination du système capitaliste aliénant tant le riche que le pauvre. Le chemin de la réconciliation implique « de prendre le parti des opprimés, toujours, de favoriser leur organisation politique, souvent, et d’oser le conflit, parfois » (p. 24), y compris avec les autorités ecclésiales s’il le faut. Nourri de l’Évangile, ce chemin sera balisé par la miséricorde – contre l’arrogance –, l’espérance – contre le découragement ‒ et la passion du Royaume de Dieu – contre la tentation d’idolâtrer des réalisations humaines.

Loin de toute hagiographie, les douze portraits de cet ouvrage retracent l’itinéraire de leur sujet, avec ses tours et détours, sans occulter ni les parts d’ombre ni les contradictions, ce qui nous rend proches de ces « chrétiens contestataires ». Le livre viendra conforter les chrétiens engagés aujourd’hui pour une société plus juste. Il servira d’aiguillon aux chrétiens qui, endormis par le confort, auraient oublié le mordant politique du message évangélique. Espérons qu’il éveillera aussi l’intérêt des militants de gauche qui ne verraient dans le christianisme que l’allié objectif du capitalisme.

Christophe Renders