En Question n°107

Vers une gouvernance mondiale ?

« Offrir un droit aux démunis est plus important que leur
offrir l’aumône, plus important aussi que leur offrir la charité.
Garantir des droits aux personnes défavorisées réclame un
engagement citoyen clair sur le court et le long terme. […]

A partir d’une conversion personnelle vers le souci des
pauvres, nous devons réussir à mobiliser suffisamment de
solidarité au sein de notre société afin d’offrir des droits
aux plus démunis et leur rendre leur dignité humaine. Ce
n’est qu’à ce moment- là qu’il y aura une place pour eux à
l’auberge de Bethléem. Ce n’est qu’à ce moment- là que ce
sera Noël pour tout le monde. »

extrait d’un communiqué de Mgr. Jean Kockerols, évêque auxiliaire pour Bruxelles, Avent 2013

edito

Où il est question de déplacement, de souveraineté et de gouvernance…

Claire Brandeleer

Il est des enjeux mondiaux qui réclament des régulations internationales ambitieuses : climat et environnement, santé, alimentation, finance, commerce,… A l’heure de la mondialisation, le besoin de gouvernance mondiale se fait sentir. Encore faut-il que cette gouvernance soit juste et bonne, et qu’elle ne soit pas régie par la loi du plus fort. Malheureusement, l’issue décevante de la 19ème Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de Varsovie (novembre 2013) est venue nous rappeler que ce sont souvent les grandes puissances économiques qui sont à la manœuvre.

Nous avons fait le choix, dans le présent dossier de votre revue EN QUESTION, d’aborder deux de ces enjeux de portée mondiale : celui des paradis fiscaux (p.13) et celui de la migration (p.21). Deux paradoxes se dégagent du rapprochement de ces enjeux. Le premier est lié à la mobilité. Alors que les capitaux sont devenus hyper mobiles et circulent librement, les droits humains « de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat », ainsi que celui « de quitter tout pays, y compris le sien » (article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme) sont, eux, confrontés à la fermeture des frontières. Le deuxième est lié à la question de la souveraineté. Alors que l’industrie offshore a réussi à conquérir la souveraineté, littéralement bradée, de certains Etats, la question des migrations, quant à elle, suscite une protection accrue des souverainetés nationales des pays d’immigration.

Laissons-nous interpeller par ces paradoxes, mais aussi par la fameuse hypocrisie qui pointe à la lecture de ces articles : alors que les Etats laissent faire « la délinquance économique et financière … qui s’apparente souvent à du vol en bande organisée » (p.20), la fermeture des frontières est « génératrice de millions de ‘sans-papiers’ et de graves atteintes aux droits de l’homme » (p.22).

Pour être à la hauteur de ses idéaux (Déclaration universelle des droits de l’homme, Objectifs du Millénaire pour le développement,…), l’humanité doit prendre ces enjeux mondiaux à bras-le-corps ; pour être réellement solidaire et œuvrer pour le bien commun universel, il s’agit de « vaincre ensemble les structures de péché », selon les mots de Jean Paul II (p.26).

En même temps, ces enjeux nous sollicitent personnellement à engager une conversion du cœur. Noël nous appelle à une tout autre mobilité, intérieure celle-là… Nous sommes invités à nous « déplacer » dans la peau de l’autre, à sa place, à nous laisser toucher par l’autre, son récit, sa trajectoire. La naissance du Christ bouleverse notre échelle de valeurs (Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles, Lc 1,52) ; ce déplacement intérieur nous pousse à agir, ensemble avec tous les hommes et les femmes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau ! Joyeux Noël !