En Question n°149

L’écologie peut-elle être populaire ?

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Trop souvent encore, les enjeux d’écologie sont abordés indépendamment de la réalité des multiples inégalités qui traversent notre société : inégalités socio-économiques, de genre, raciales, entre le Nord et le Sud, etc. Pourtant, crise écologique et inégalités sont fortement imbriquées, et on ne peut pas prétendre résoudre la première sans sérieusement réduire les secondes. Cette articulation et les arbitrages qu’elle suppose doivent, pour être acceptés et portés par le plus grand nombre, s’inscrire au cœur de la démocratie. Ce numéro estival de la revue En Question entend contribuer au débat, et prend position : pour une transition écologique juste, il est fondamental de penser et agir à partir des situations d’inégalité et de précarité. C’est pourquoi, le présent dossier part des marges de la société pour s’engager dans la construction d’un avenir plus juste pour notre Terre et tous ses habitants.

edito

Refonder l'écologie depuis les marges

Simon-Pierre de Montpellier

Il y a cinq ans, les enjeux écologiques étaient au cœur des préoccupations de l’opinion publique européenne. Après un été 2018 exceptionnellement chaud et sec, les mobilisations pour le climat s’étaient succédé jusqu’aux élections du 26 mai 2019 qui avaient vu les partis écologistes engranger des résultats élevés un peu partout au sein de l’Union européenne, et particulièrement en Belgique. Depuis lors, notre maison commune a continué de se dégrader : six limites planétaires sur neuf ont désormais été franchies, selon le Stockholm Resilience Centre. Une transition écologique ambitieuse est donc plus que jamais nécessaire. Et pourtant, le mouvement climat parait à bout de souffle, les enjeux climatiques et environnementaux ont été étonnamment négligés durant la campagne électorale et, pour les partis écologistes, c’est la douche froide au soir des élections européennes, fédérales et régionales du 9 juin 2024.

Rappelons que les élections ne sont qu’un élément de la démocratie, qui se vit quotidiennement de bien d’autres manières, par exemple à travers les interpellations citoyennes, les mobilisations syndicales, le rôle de l’opposition dans les parlements, les contre-pouvoirs judiciaire et médiatique, la concertation sociale, le dynamisme associatif, la gouvernance partagée en entreprise, etc. Par ailleurs, les préoccupations écologiques ne sont pas réductibles aux partis écologistes et, fort heureusement, d’autres partis ont revu à la hausse leurs ambitions pour le climat et l’environnement.

Néanmoins, au lendemain des élections, le mouvement écologiste (entendu au sens large, bien au-delà des partis) ne peut faire l’économie d’une sérieuse remise en question. Pour ce faire, il doit être prêt à interroger ses certitudes, à sortir de sa zone de confort, à se décentrer, à se laisser interpeller. Une piste de réflexion (et d’action), explorée dans le dossier de ce nouveau numéro d’En Question, est de prendre au sérieux les vécus, les expériences, les pensées, les luttes et les espérances aux marges de notre société : populations fragilisées, quartiers précarisés, campagnes délaissées. De se laisser bousculer par les marges, quitte à basculer. Telles ces nuées d’étourneaux se laissant guider par ceux qui sont sur les bords, « car ils sont bien plus exposés aux fluctuations », comme l’analyse le biologiste Olivier Hamant (La Troisième voie du vivant, Éd. Odile Jacob, 2022). Pour que l’écologie ne soit plus vue comme un privilège de bourgeois, mais devienne un véritable mouvement populaire.

La bataille pour la transition juste 

Matthias Petel

L’appel à une transition juste fait consensus. C’en est presque devenu un slogan politique repris par la majorité des partis. Mais sur le terrain, l’équation entre urgence écologique et justice sociale n’est pas simple à résoudre. Matthias Petel, spécialiste du sujet, pointe le risque de laisser la main à ceux qui détiennent le pouvoir, en particulier le pouvoir économique, et souligne la nécessité de la délibération démocratique et de l’action collective pour articuler de manière créative et juste les deux polarités de cette tension.

La justice sociale, terreau obligatoire de la transition écologique

Christine Mahy

Qui a dit que les personnes qui vivent dans la précarité ne s’intéressent pas au climat et à l’environnement ? Christine Mahy, qui inlassablement fait résonner la voix des populations vulnérables en Wallonie, tord le cou à cette idée reçue. Elles sont précisément les premières à être affectées par les effets du dérèglement climatique. C’est donc en priorité à partir de leur situation que doivent être pensées et mises en œuvre les politiques écologiques.

Fatima Ouassak : Penser l’écologie à partir des quartiers populaires

Simon-Pierre de Montpellier

Nombreux sont les observateurs qui constatent – souvent avec regret, parfois avec sarcasme – un manque de diversité socio-culturelle au sein du mouvement climat. Serait-ce uniquement une question de sensibilisation ou d’inclusion, ou bien le problème est-il plus profond ? Dans cet entretien, Fatima Ouassak, politologue française, essayiste et militante écologiste, féministe et antiraciste, cherche à élargir le front écologiste et invite l’écologie politique à se renouveler, à partir des quartiers populaires, de l’histoire décoloniale et… des religions.

La fiscalité écologique : juste ou punitive ?

Christian Valenduc

Elle a fait déferler les Gilets jaunes. Elle est qualifiée par certains d’écologie punitive. Assurément, la fiscalité écologique a mauvaise presse. Pourtant, le principe du « pollueur-payeur » est plutôt accepté. Ne le serait-il que quand le pollueur, c’est l’autre ? Christian Valenduc, spécialiste des politiques fiscales, balise le chemin de crête de la fiscalité écologique, entre justice redistributive et consistance du financement de la transition.

Comment mettre la finance au service de l’écologie ?

Gaël Giraud

Voici deux domaines que l’on associe rarement : la finance et l’écologie. Pourtant, elles sont intimement liées l’une à l’autre, au point qu’il semble impossible d’imaginer un avenir « durable » (au sens où il ferait face aux gigantesques défis écologiques qui sont les nôtres) sans une remise en ordre radicale du rôle joué par les banques et les marchés financiers dans nos sociétés et un questionnement sur le rôle que pourraient jouer les finances publiques. C’est ce lien, aussi profond qu’ignoré, entre la finance et notre avenir écologique que cet article tente d’expliciter.

L’alimentation durable pour combattre l’exclusion ?

Christophe Renders

En 2022, le Collectif de réflexion et d’action sur une Sécurité Sociale de l’Alimentation (CréaSSA) a vu le jour en Belgique. Il rassemble des citoyens et des organisations de la société civile qui se préoccupent des enjeux alimentaires, sociaux et écologiques : la précarité alimentaire de certains, la malbouffe et son impact en termes de santé publique, les effets néfastes de l’agriculture industrielle sur les sols, les eaux, la biodiversité et le climat, ou encore la précarité économique des agriculteurs.

De claque en claque, mon chemin de conversion écologique et sociale

Claire Joassart

L’écologie est un sujet qui divise chez les chrétiens. Certains ne voient pas en quoi l’Évangile aurait quelque chose à nous dire sur les réponses à la crise écologique. Pour d’autres, l’évidence du lien entre leur foi au Dieu de Jésus-Christ et le soin pour la Maison commune selon l’expression de l’encyclique Laudato si’ leur est tombée dessus. C’est le cas de Claire Joassart qui nous livre avec beaucoup de fraîcheur son témoignage. Elle nous raconte comment se sont entretissés dans sa vie l’amour de Dieu, le soin du Vivant et la rencontre des personnes réfugiées.