En Question n°150

La prison fait-elle justice ?

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Deux années après l’inauguration de la nouvelle méga-prison de Haren (Bruxelles), la revue En Question interroge le système pénitentiaire : Quel est le sens de la prison, à quoi sert la peine ? Est-elle efficace, au regard des missions que la société lui confie ? Quels impacts a l’enfermement, quelles violences engendre-t-il ? Permet-il de faire justice, de prendre en compte les besoins des victimes ? Quelles sont les alternatives à la détention ? Que nous enseignent les expériences de justice restauratrice ? Une société pourrait-elle se passer des prisons ? Autant de questions fondamentales qui sont approfondies dans ce 150e numéro de votre revue de sens et d’engagement.

edito

À la marge des périphéries

Simon-Pierre de Montpellier

Récemment, nous participions à une après-midi de réflexion sur les menaces des idées d’extrême droite envers les droits sociaux. Différents acteurs et actrices du secteur social y témoignaient de leur travail acharné, dans des conditions (de plus en plus) difficiles, auprès de personnes marginalisées, qu’elles soient en situation de pauvreté, sans abris (ou plutôt sans « chez soi »), migrantes, sans titre de séjour, etc. Écouter ces témoignages était à la fois inspirant – vu l’engagement sincère et l’énergie investie par tant de personnes – et préoccupant – vu les contraintes et les menaces qui pèsent sur le travail social et les droits sociaux aujourd’hui.

Néanmoins, nous avons été étonnés de ne pas entendre parler des personnes emprisonnées, des victimes de la criminalité et de la délinquance, des aberrations et des injustices de notre système pénal. Si même là, on n’en parle pas, alors comment rendre visible l’invisible ?

Pour ce 150e numéro d’En Question, une étape symboliquement importante, il nous tenait à cœur de nous aventurer à la marge des périphéries de notre société, là où sont isolées et enfermées les personnes les plus exclues et précarisées d’entre nous : les prisons. Et, fidèles à la vocation du Centre Avec, nous avons voulu mener ce travail d’analyse avec des personnes directement concernées et des témoins de première ligne : un ancien détenu, un directeur de prison, une commissaire de surveillance, une médiatrice, des conseillers moraux et religieux en prison… en plus de chercheuses en droit et en anthropologie. Croiser les expériences et les savoirs, afin de comprendre pour agir.

Comme d’habitude, nous vous invitons ainsi, chère lectrice, cher lecteur d’En Question, à prendre de la hauteur, à questionner vos a priori, à interroger vos certitudes, à vous mettre à l’écoute de voix expérimentées et engagées, à explorer des voies alternatives aux modèles dominants, à découvrir des initiatives inspirantes… Peut-être que ce dossier rejoindra vos préoccupations, ou bien qu’il vous ouvrira les yeux sur des réalités inconnues et des enjeux nouveaux. Peut-être renforcera-t-il votre arsenal d’arguments, ou bien vous fera-t-il changer d’avis. Mais quoi qu’il en soit, nous espérons qu’il nourrira votre esprit critique et votre soif d’engagement, à la recherche du bien commun et de la justice sociale. Car telle est la raison d’être du Centre Avec et de votre revue En Question.

La prison : un mal pour un bien ?

Léa Teper

Supposée être l’ultime recours de l’arsenal pénal, la prison s’est pourtant hissée au rang de peine de référence, au point de réduire les autres peines disponibles par la loi à de simples « alternatives »[…]

La prison, un grand corps malade

Marie-Hélène Rabier

J’écris d’un monde parallèle. Pas d’un autre monde lointain. Non, d’un monde tout contre le nôtre. D’un monde où je vais et viens depuis plus de dix ans. D’abord comme visiteuse de prison, puis comme « commissaire de surveillance », appellation barbare pour une fonction cruciale : surveiller les conditions de détention et le respect de la dignité des détenus[…]

Que faire d’une prison ?

Vincent Spronck

Que faire d’une prison ? La question se pose quand on en est le directeur. Que faire de cette institution dont une des particularités est que, à part une infime minorité des membres du personnel , l’ensemble de celui-ci, comme la totalité de ses « bénéficiaires », ne souhaitent pas y être ?

Un « plan de bataille », pour donner du sens à la peine

Claire Brandeleer - Simon-Pierre de Montpellier

Au cœur de ce dossier, nous avons voulu donner la parole à une personne qui a connu l’enfermement. Grâce à Christine Deltour, nous avons pris contact avec un ancien détenu qu’elle a accompagné dans son travail d’aumônière en prison[…]

« La prison, c’est nous ! »

Christophe Renders

Ce 12 juillet, Bruxelles est écrasée par la pluie. Un ciel de plomb recouvre Haren. La chaleur de l’accueil que je reçois de mes trois hôtes, contraste avec la morosité de cette journée. Après les contrôles de sécurité, nous gravissons un escalier monumental qui mène aux différentes unités de la prison et à un bâtiment où sont regroupés plusieurs services[…]

La justice restauratrice : une pratique de niche qui vaut la peine ?

Anne Lemonne

La justice restauratrice (ou restaurative) suscite un intérêt croissant. Récemment, le film Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry a largement contribué à la faire connaître auprès du public francophone. Ce film raconte des histoires entrecroisées où des délinquants, des victimes et des membres de la communauté se retrouvent dans des cercles de dialogue en milieu carcéral[…]

Quand la justice restauratrice transforme les parcours de vie

Gaëtane Zeegers

Du film « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry au nouveau Code de la Justice Communautaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) en passant par l’émission radio « Tendance Première » du 15 mai 2024, la « justice restauratrice » (ou « restaurative ») s’invite de plus en plus souvent dans l’espace public. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

De la punition à la réparation : Pour une justice sans prison

Delphine Pouppez

Détresse psychologique, rupture des liens familiaux, perte de revenus et d’accès futur à l’emploi, stigmatisation, problèmes de santé physique et mentale, violences vécues en détention… Dénoncés dès la naissance de la prison moderne au 18e siècle, les effets délétères de l’enfermement sont une vieille litanie, qu’on se fatigue à réciter sans jamais atteindre l’exhaustivité[…]

Et si cela ne changeait jamais ?

Geneviève Frère

Quand j’ai commencé comme aumônière, j’ai vite constaté la situation désastreuse des prisons dans lesquelles je travaillais. Ma formation de criminologue m’avait appris que tout cela était connu depuis longtemps. Les premiers mois en prison, j’avais la certitude que la situation allait bientôt changer tellement il était évident que rien n’allait et que tout le monde le savait. Lorsque je quitte mon travail douze ans plus tard, rien ne s’est amélioré[…]