En Question n°138 - septembre 2021

« Transmettre un monde plus beau » : reportage à L’Arbre qui Pousse, germe de transition

Juillet 2021, entre pluie et soleil… La météo est bien belge. On quitte à peine les rues de Limelette, dans la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, qu’on débarque dans une nature verdoyante. Très vite, le regard se tourne vers une imposante ferme blanche qui se dresse majestueusement au milieu des arbres et des champs. Là où le vert et le blanc se mélangent, la nature et la culture se croisent, l’humain et l’environnement se retrouvent. L’imposant porche d’entrée nous invite à ouvrir les portes du vivant, à la découverte de L’Arbre qui Pousse.

crédit : Centre Avec

Pauline Steisel m’accueille dans la cour intérieure, avec sa petite fille de 3 mois. Il y règne une odeur de bon pain. Deux jeunes boulangers s’affairent pour préparer la rentrée de septembre. Deux autres jeunes réparent des vélos dans leur atelier. Ils me saluent chaleureusement. Malgré le temps maussade, la cour est lumineuse, pleine de vie. Juan Thibaut nous rejoint. Après quelques mots de bienvenue, Pauline et Juan m’invitent à prendre place dans leur QG. Le temps pour Pauline de bercer sa fille, Juan se lance dans le récit de L’Arbre qui Pousse… à la recherche des recettes de la transition.

Écouter ses rêves 

Tout commence par un rêve. Pour Juan, il s’agirait de « créer un lieu de vie et de travail, où l’on peut être soi-même en permanence, sans distinction entre vies privée et professionnelle, un environnement où faire grandir nos enfants, nos familles ». Architecte, Juan aime créer, agir et se sentir utile. « Durant mes études, je voulais être pleinement acteur de ce qui était pour moi un idéal de société. Or, je me reconnaissais très peu dans ce qui existait autour de moi. Rien ne m’invitait à me sentir reconnu. Donc j’avais ce besoin de créer moi-même mon cadre de vie, qui soit pleinement aligné sur mes valeurs ». Cette aspiration, il la nourrit depuis sa tendre enfance. Septième d’une famille de huit, il apprend rapidement à être autonome. Ses parents l’inscrivent dans une école à pédagogie Freinet[1] qui « valorise l’enfant dans la recherche de soi, dans ses passions et ses projets, lui permet de créer son propre cadre, d’une manière saine et sécurisée, car il est en confiance ».

La pédagogies active, c’est un sujet qui passionne aussi Pauline depuis son enfance : « Mon rêve, ça a toujours été de créer une école. Quand j’étais plus jeune, j’ai lu beaucoup de livres sur les écoles démocratiques, les écoles libres, la pédagogie Montessori[2], etc. ». Dès le début de ses études en sciences économiques, elle veut « changer le monde », ou du moins « faire quelque chose de différent, apporter quelque chose de bien ». Après son master, elle quitte la Belgique pour l’Angleterre, afin de suivre une formation en écologie au Schumacher College[3]. « Ça a été une année bouleversante ! Là, tout d’un coup, mon cadre de vie a explosé, et j’ai découvert plein de choses… et ça m’a donné encore plus envie de créer quelque chose de différent, quelque chose qui me ressemble et qui rassemble ». En sortant du Schumacher College, elle décide alors de réaliser son rêve de créer une école pas comme les autres. L’idée a bien muri dans son esprit : cette école doit être implémentée dans un environnement au service des enfants, avec une ambiance de village ; « un village qui élève les enfants ». Ainsi, pour mettre le monde en transition, elle part du principe que « le principal levier d’action, c’est l’éducation ».

Sortir du cadre

Néanmoins, la réalité qui entoure Pauline et Juan semble bien étrangère à leurs rêves. En sortant de ses études en sciences économiques, Pauline se souvient avoir ressenti « une forme de dégoût face à ce que la société présentait à notre génération » et, donc, « l’envie de ne pas rentrer dans les clous ». Juan partage ce sentiment : « Je ne voulais pas me contenter de ce que la société me proposait. Je ne voulais pas rejoindre un cadre professionnel dans lequel je ne pourrais pas être pleinement moi-même. Au contraire, je voulais créer un cadre complètement cohérent entre ma vie professionnelle et ma vie privée, et petit à petit enlever les barrières, les masques et les rôles qu’on se donne ».

« Ce projet, on était obligés de le créer, car ça n’existait pas, en fait, à l’époque », résume Pauline. C’est ainsi qu’ils décident de « sortir du cadre », de quitter leur confort, de se rassembler et de co-créer.

Créer un nouveau lieu de vie

A l’initiative, ils sont quatre jeunes : Pauline Steisel, Juan Thibaut, Pierre-Alexandre Klein et Arthur Michelet. Pour porter leur projet, ils créent une petite entreprise. Pour l’étoffer, ils s’insèrent dans le réseau de « Wavre en Transition ». Pour le soutenir, ils parviennent ensuite à convaincre une poignée d’investisseurs d’acheter la ferme de la Balbrière – magnifique bâtisse blanche du 18e siècle, dont les traces remontent au 13e siècle –, à Ottignies. Et aujourd’hui, ils sont une centaine de personnes impliquées dans L’Arbre qui Pousse, « qui viennent à la ferme, qui participent aux réflexions d’une manière ou d’une autre, qui sont tenues au courant de ce qui s’y passe », se réjouit Juan.


Le Réseau Transition

Le « Réseau Transition » a l’ambition de contribuer à l’émergence d’un nouveau paradigme sociétal, une nouvelle culture de transition au service de la Vie. Le mode d’action privilégié de cette ASBL est de favoriser ce changement sociétal dans une dynamique ascendante, qui parte des citoyennes et citoyens qui décident de passer à l’action dans le contexte où ils et elles choisissent d’avoir un impact. Il s’agit de participer à la vie sociale, économique, culturelle et politique afin d’influencer la transition. Que ce soit dans leur ville, leur quartier, leur village, leur groupe citoyen, leur association, leur entreprise, leur institution ou dans leur vie privée. Pour promouvoir ce changement de paradigme, le Réseau Transition organise des activités et des formations variées et développe un réseau de plus en plus dense, composé d’initiatives locales et d’acteurs de la transition, de partenaires, de personnalités et aussi du réseau que forme le mouvement mondial de la transition. C’est notamment le cas depuis mai 2016 dans la région de Wavre, avec « Wavre en Transition ».

En savoir plus : www.reseautransition.be

Au centre du projet, un noyau de six personnes : le « cercle cœur ». En soutien, le conseil d’administration de l’ASBL, qui se réunit environ une fois par mois et porte les valeurs, trace les grandes lignes d’orientation et définit la stratégie du projet. À côté, pour les soutenir financièrement, une fondation, qui réunit une dizaine d’investisseurs, qui est propriétaire de la ferme et qui en assure la gestion immobilière. Et puis, autour de ces organes, viennent se greffer des « porteurs de projets », qui bénéficient d’une certaine autonomie : « on leur met à disposition une infrastructure et ils l’utilisent pour mener à bien leurs activités et, en échange, on leur demande juste de mettre en place une communication et de créer des échanges harmonieux avec la ferme ; et, au-delà de ça, on leur fait confiance sur la manière de gérer leurs affaires », décrit Juan. On compte parmi eux des maraichers, un vignoble, un jardin de plantes médicinales, une pépinière, une forêt nourricière, une boulangerie, un atelier vélo, un atelier couture, un restaurant, un café citoyen, des espaces de coworking et d’événements culturels, des ateliers de développement personnel, etc. L’Arbre qui Pousse accueille également une petite « école parentale », où les enfants suivent « l’école à la maison » (avec une communauté de familles qui pratiquent l’instruction à la maison ensemble à la ferme). En septembre 2021, il est prévu d’ouvrir une classe maternelle à pédagogie Montessori. « Notre volonté est de créer un lieu ouvert au public, il y a donc plusieurs classes des écoles des environs qui viennent passer des journées ici. On souhaite aussi accueillir des stages, des classes vertes, etc. », explique Pauline.

En outre, une vingtaine de personnes habitent dans et aux abords de la ferme. « Ces habitants n’ont pas de fonction attitrée. Leur rôle, c’est d’abord d’être habitants, d’assurer une certaine présence à la ferme et d’être en accord avec les valeurs de la transition. Cela va de la posture bienveillante et accueillante au soin des espaces communs », décrit Juan. « La volonté, c’est vraiment d’avoir un projet très ouvert et qui brasse une diversité de personnes », résume Pauline.

Cultiver le vivre ensemble

Mais qu’est-ce qui rassemble tous ces acteurs ? « Je crois que ce qui nous a rassemblés, principalement, ce sont les notions de résilience et d’autonomie, pas dans le sens ‘autarcie’, mais plutôt dans l’idée de prendre conscience de notre alimentation, de notre consommation d’énergie », précise Juan. Ce qui les rassemble, c’est aussi la « volonté de collectivité, de faire corps, de développer une identité commune et de pouvoir créer ensemble ». Très vite, ils décident donc de créer un bien commun : « Dans la transition, la question de la propriété est immense, tellement elle touche à des enjeux différents. C’était important pour nous qu’il n’y ait pas un propriétaire qui décide seul de tout. On a donc créé une fondation pour se rapprocher de l’idée du bien commun : la ferme est un patrimoine partagé », se réjouit le jeune architecte.

Cependant, le vivre-ensemble ne coule pas de source. Comme partout, il y a parfois des tensions, reconnait Juan : « Mais ici, on les met vraiment au centre, on les met sur la table. On ne s’autorise pas à garder des non-dits ou à faire comme si de rien n’était, non, on parle. Donc, de ce côté-là, ça se passe bien, mais on ne peut jamais imaginer un projet collectif dans lequel le vivre-ensemble est inné et parfait… On ne vit pas dans un monde de bisounours, et le fait d’en être conscient fait que cela se passe bien. En fait, on accepte tout simplement la complexité ». Comment ? « Régulièrement, on prévoit des moments d’échange où chacun a la possibilité d’exprimer un ressenti ; c’est important », explique Pauline. « Pour prendre soin du vivre-ensemble, il faut accepter la diversité et avoir une attitude de respect de l’autre, de bienveillance et d’écoute, et y accorder du temps, pour s’arrêter, échanger et s’écouter », estime Juan.

Enfin, ce qui unit à L’Arbre qui Pousse, c’est le lien avec le vivant. Ainsi, explique Juan, « ce qu’on essaie de mettre en valeur, c’est le lien d’appartenance de l’humain à son environnement. Concrètement, cela veut dire remettre les mains dans la terre, soigner les arbres, prendre conscience de la faune et de la flore, et sensibiliser ; cela nous semble essentiel ». Et Pauline d’ajouter : « Notre approche, c’est de décloisonner nos existences, c’est-à-dire sortir de ce mode de vie où j’habite à tel endroit, je travaille à tel autre endroit et je m’amuse à un tel autre endroit, d’unifier ces différents aspects pour être vrais, entiers, habiter véritablement le lieu où on vit, et donc le connaître, le rendre beau et prendre conscience du vivant qui nous entoure, dans la nature et dans le quartier, avec ses voisins ; passer du temps… ».

Prendre le temps

Le temps. Serait-ce donc la clé de la transition ? Lorsqu’on leur pose la question de ce rapport au temps, Pauline et Juan tempèrent : « Pour être honnête, au début, ça a souvent été la course… parce qu’on s’est mis beaucoup de pression sur les épaules. Donc ça a été très intense, mais on n’avait pas peur d’y aller à fond. Et puis, il y a quelques mois, on s’est posé la question : ‘Vers où on va ? Après quoi on court ?’ Et depuis lors, on a la volonté de ralentir, pour vraiment prendre le temps d’écouter, recevoir, être dans la qualité », confie Pauline. Pour Juan, ce qui importe le plus, « ce n’est pas tellement le contrôle du temps, mais surtout la conscience du temps ». Selon le contexte et les saisons, le rythme peut différer, mais l’important c’est qu’il soit « accepté et non subi », poursuit-il. En ce qui concerne le travail, par exemple, « on ne compte pas nos heures ni nos jours de congé ; on est vraiment dans la confiance absolue », explique Pauline. En effet, abonde Juan : « même face au travail, on n’est pas égaux. Si on n’accepte pas cette diversité-là, on va à l’encontre d’un mouvement naturel et on ne crée donc rien de bon ». « La contrainte ne donne rien de bon », conclut Pauline.

Se recentrer sur l’essentiel

On dit que choisir, c’est renoncer. Ralentir, serait-ce se recentrer ? « Il faut absolument se recentrer sur l’essentiel ; mais cette question est pourtant absente des débats de société aujourd’hui. Même avec la crise sanitaire, combien ont parlé de ce qu’est la maladie, ce qu’est la mort, ce que c’est d’être membre d’un tout qui est vivant et donc qui grandit, qui meurt, et qui fait partie du cycle de la vie… Il y a trop peu d’espace pour ce genre de discussion, plus spirituelle, plus profonde. On n’a aucune vision à long terme sur ce qu’on veut mettre en place en tant que société. Au contraire, on est distraits par une série de choses, on joue des rôles, on n’ose pas changer de boulot de peur d’être déconsidérés… Alors que de toute façon, dans 50 ans, on n’est plus de ce monde… », déplore Juan.

Mais quel est alors le sens de la vie ? Juan se lance : « Je pense que notre responsabilité, en tant qu’êtres humains, c’est d’être pleinement humains. Et être humain, ça implique beaucoup de choses, mais c’est avant tout se rapprocher de ma nature propre, de mon essence première, comprendre pourquoi je suis là, pourquoi j’existe avec tel corps, avec tel cerveau, avec tel cœur. C’est une réflexion spirituelle. Personnellement, je pense être né pour être dans un amour pur, une joie inconditionnelle, pour pouvoir accueillir l’autre, le végétal, le monde vivant et le non-vivant, mais de la manière la plus pure possible, c’est-à-dire avec le cœur. Et dès que je sens que je me rapproche de ça, alors je me sens en accord avec l’idée de sens ». Pour Pauline, « le sens de la vie, c’est la joie profonde autour de moi, la transmission d’un monde plus beau que celui qui nous a été offert. J’ai envie de créer du beau et d’être fière de ce que j’ai fait, de ce qu’on va transmettre ».

Transmettre

Transmettre, du latin trans, « au-delà », et mittere, « envoyer » : « faire passer », peut-on traduire. « Rien que le fait de pouvoir élever ma fille et mes futurs enfants dans un lieu comme celui-ci, c’est déjà un cadeau », se réjouit Pauline. Mais l’ambition va bien au-delà, ajoute-t-elle : « Notre souhait, c’est vraiment de ne pas vivre en autarcie, renfermés sur nous-mêmes. Une grande ambition du projet, c’est de rayonner et d’en inspirer d’autres. J’adore voir des gens qui viennent s’inspirer ici et dans d’autres lieux pour créer leur propre projet ou lieu de vie. C’est quelque chose qui m’anime beaucoup ». Et elle n’est pas la seule : « Ici, ce qu’on vit est tellement intense que beaucoup de gens qui passent se prennent des baffes et décident donc de rebondir sur le projet, en créant par exemple leur micro-ferme ailleurs », observe Juan. « C’est un bon lieu de passage pour les personnes en transition, une sorte d’incubateur, de laboratoire de la transition », résume Pauline.

Et pour la jeune maman, le meilleur moyen de transmettre cette culture de la transition, « c’est en essayant de faire vivre ce lieu, le faire vivre véritablement, de manière intense, pas seulement y passer et consommer, mais permettre aux gens de faire l’expérience ». Parce que, pour Juan, « intellectuellement, scientifiquement, on a toutes les pistes, on a tous les outils pour entamer la transition. Mais qu’est-ce qui bloque ? C’est la peur. On a peur de s’y lancer, parce qu’on ne sait pas ce que ça veut dire. On a peur de revenir en arrière, on a peur de perdre ce qu’on a acquis, on a peur de perdre notre confort. Mais, en fait, en vivant la transition, on se rend compte qu’il n’y a rien de tout cela, on ne perd rien, on se transforme, et on vit une vie qui est plus belle, qui est plus simple. C’est en en faisant l’expérience concrète qu’on se rend compte que la transition, en fait, c’est beau ; que ce n’est pas une contrainte, mais une opportunité ».

Vivre une expérience personnelle, donc. Mais sans perdre de vue que la transition n’est pas qu’individuelle, elle est aussi sociétale, insiste Juan : « Il ne faut pas se perdre dans des fausses idées de ce qu’est la transition, ne pas se perdre dans des faux enjeux ». Le « zéro déchet » dans un ménage, c’est bien, mais d’un point de vue macro, la question de l’industrie et du transport, par exemple, sont bien plus importantes. De surcroit, Pauline ajoute une troisième dimension de la transition, pour une véritable « transformation » : l’aspect spirituel et relationnel. « Il s’agit par exemple d’aller à la rencontre de son voisin et de retrouver des relations fortes, d’enlever ses masques, de se débarrasser de ses peurs, de se retrouver et de célébrer ensemble, de créer ensemble… », estime-t-elle.

Faire entendre sa voix

« Lorsque j’observe autour de moi, je vois qu’il y a du beau, que la vie est magnifique, et pas seulement ici. Tous ces beaux regards qu’on voit, toutes les belles choses qui passent, c’est superbe.  Et puis, à d’autres moments, j’ai envie d’exploser, de taper des poings sur la table, et de redire combien le monde ne tourne pas rond ! ». Quand il s’agit de poser un regard sur le fonctionnement de la société, Juan reste critique. « J’ai souvent l’impression – et cela a été d’autant plus mis en lumière durant le confinement – qu’on vit dans un monde de peur, de méfiance, et que l’être humain cherche à tout contrôler, à s’assurer de tout risque, de toute maladie, et n’accepte plus la mort, ni la diversité, ni la complexité. Ici aussi, on a évidemment des soucis, de la crainte, voire de la méfiance, mais on accepte la difficulté et la complexité, on ne la cache pas… Et je pense que cela fait une grande différence ».

Et la politique dans tout cela ? Pour mener à bien la transition, le politique doit « avoir de l’audace, du courage, accueillir la complexité, accepter le risque », selon Juan, et « prendre des risques », ajoute Pauline. « Tout changement nécessaire aujourd’hui est rendu impossible par des politiques qui ont peur. Pourtant, il faut accepter les effondrements, accepter que prendre une décision peut faire mal, mais qu’on doit passer par là pour s’en sortir. Et si on accepte cela, alors on peut transformer la société ! », s’emporte Juan. « Il faut prendre conscience que la société doit changer en profondeur, avoir une vision du changement et accepter de faire les choses différemment », poursuit Pauline. Et Juan d’avancer une piste pour sortir de l’immobilisme : « le milieu politique devrait laisser plus de place à la féminité, à l’énergie féminine, moins égocentrique et plus créatrice ». Finalement, Pauline et Juan sont lucides par rapport au chemin de transition à parcourir et humbles sur leurs propres capacités. « Au début, on s’est lancés avec une intention super forte, des idéaux très élevés et le besoin de tout changer, d’y aller à fond parce qu’il n’y avait rien qui convenait », se souvient Juan. « On voulait mener une transition personnelle et sociétale », résume Pauline. « Puis, au fur et à mesure, on s’est un peu calmés en se disant que c’était déjà pas mal de se concentrer sur ce qu’on faisait ici et ce qu’on pouvait transmettre », confie Juan. Désormais, « on est davantage dans l’idée de ‘leading by example’ », conclut Pauline. L’exemplarité, dans l’espoir d’entraîner d’autres et de réussir ensemble la transition, pour une vie saine, respectueuse du vivant, conviviale et belle, sur Terre.

Notes :

  • [1] La pédagogie Freinet est une pédagogie originale mise au point par Célestin et Élise Freinet dans la première moitié du 20e siècle et fondée sur l’expression libre des enfants. Elle place l’élève au cœur du projet éducatif, prenant en compte la dimension sociale de l’enfant, voué à devenir un être autonome, responsable et ouvert sur le monde.

    [2] La pédagogie Montessori est une méthode d’éducation créée en 1907 par Maria Montessori. Elle repose sur l’éducation sensorielle et kinesthésique de l’enfant. Elle considère l’enfant comme un individu à part entière et veut prendre en compte ses besoins spécifiques, en respectant sa recherche d’indépendance et l’énergie qu’il déploie pour y parvenir.

    [3] Le Schumacher College est un institut d’enseignement supérieur britannique, fondé en 1991 par Satish Kumar et Brian Goodwin et situé dans le village de Dartington dans le Devon. Il a pour sujets principaux d’études l’écologie holistique et les pratiques de vie durables. Le nom de l’établissement lui a été donné en référence à Ernst Friedrich Schumacher, économiste ayant popularisé l’expression « small is beautiful » (« le petit est beau »). Publié en anglais en 1973, le livre d’E. F. Schumacher a été traduit en français : Small Is Beautiful – une société à la mesure de l’homme (Seuil, coll. Points, 1978).